Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/537

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici maintenant comment le roi de France entendait et qualifiait de son côté ledit événement :

« Le traité que j’ai signé avec le roi d’Angleterre et l’empereur de Russie a posé les bases de la pacification de la Grèce, et j’ai lieu d’espérer que les efforts de mes alliés et les miens triompheront des résistances de la Porte ottomane, sans le secours de la force.

« Le combat de Navarin a été à la fois une occasion de gloire pour nos armes et le gage éclatant de l’union des trois pavillons. »


Il n’était pas autrement difficile de tirer l’horoscope d’une union fondée sur une telle unanimité.

En attendant, et tandis que ce double langage de Jean qui pleure et de Jean qui rit régalait nos communs adversaires, presque au même instant, c’est-à-dire le 16 janvier, le comte Capo d’Istria, Grec de naissance, ancien ministre de l’empereur Alexandre dans son bon temps, disgracié dès que ce prince eut fait faux bond à la bonne cause, le comte Capo d’Istria débarquait à Égine, sous les auspices des trois tuteurs de la Grèce, et venait prendre la direction du gouvernement en germe d’un royaume en herbe. Je l’avais beaucoup connu durant les quelques années de son exil à Genève; c’était un homme de bien, une âme élevée, un caractère ferme, un esprit éclairé, rompu aux grandes affaires, justement considéré de tous les hommes d’état dont l’opinion comptait en Europe ; c’était plus que ne méritaient ceux qui l’ont fait ou laissé périr.

Autre échec pour nous, échec indirect, il est vrai, mais réel, qui fit long feu quelque temps, mais s’annonça dès le premier jour. La constitution octroyée, disent les uns, imposée, disent les autres, au Portugal par l’empereur du Brésil dom Pedro, touchait au terme de sa courte carrière. A peine l’infant dom Miguel avait-il pris possession de la couronne de Portugal, sous la double condition d’accepter ladite constitution et d’épouser l’infante doña Maria, qu’il se préparait ouvertement à faire bon marché de l’une et de l’autre, en provoquant à la contre-révolution le peuple et l’armée qui, dit-on, ne demandaient pas mieux.

Malgré ces fâcheux incidens que nos adversaires qualifiaient de tristes pronostics, notre nouveau ministère fit bonne contenance à l’épreuve de l’adresse. Le discours par lequel M. de La Ferronays inaugura la politique nouvelle fut très bien accueilli et le méritait. Personne ne le combattit dans une chambre (la nôtre s’entend) où M. de Villèle, aux abois, avait importé soixante-dix-neuf hobereaux de sa façon. j’étais resté pour soutenir mes amis anciens et nouveaux, mais j’en fus pour mes frais d’éloquence en perspective.