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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/553

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d’écrevisse (si tant est que l’écrevisse marche à reculons). Il lui fallut subir la révocation de l’acte du Test, cet affront au bon sens et à la morale dont la conséquence avouée était de réduire au parjure quiconque prétendait à une place quelconque, petite ou grande ; et si la chambre des lords lui prêta volontiers l’épaule contre l’émancipation des catholiques, Peel, alors son coadjuteur, ne réussit point à retarder, dans sa marche triomphante le bill proposé par sir Francis Burdett ; la chambre des communes en prit possession et depuis ne l’a pas lâché. Peel ne réussit pas mieux à prévenir en Irlande l’élection du grand agitateur, à la barbe de la loi en vigueur, du parlement sur pied, et du vainqueur de Waterloo, et plût à Dieu que l’un et l’autre eussent été vaincus tout à fait, cette fois ; cela leur eût épargné le dégoût de faire plus tard amende honorable, et de proposer eux-mêmes ce qu’ils avaient, à grands cris, déclaré l’abomination de la désolation, et la ruine de leur pays, détestable exemple qui n’a que trop été suivi!

Tandis que, tranquille à Broglie, désormais en état de nous recevoir modestement mais commodément, entouré de ma famille qui grandissait, et de mes déjà vieux amis, je m’y reposais un peu des fatigues d’une session rendue plus laborieuse par les intrigues intérieures et la difficulté de tenir ensemble les disjecta membra de notre majorité que par les luttes de la tribune, j’étais, à mon insu menacé d’un bien grand malheur. Ma mère, mon excellente mère, à peine entrée dans sa soixante-sixième année, ma mère, dont la santé ne nous avait jamais donné la moindre inquiétude, se trouvait atteinte d’un mal dont elle ne parlait à personne, et dont, en vérité, je crois qu’elle ne se disait mot à elle-même. Je fus averti par M. D’Argenson, qui nous vint voir au commencement de l’automne. Nous avions réussi, ses amis de la gauche et moi qui vivais bien avec eux, à le faire nommer député dans le département de l’Eure, où il n’avait jamais résidé et ne possédait pas un pouce de terrain. N’y connaissant personne, il profitait de l’intervalle des deux sessions (1828-1829) pour faire sa tournée de visites et de remerciemens ; il me parla de la santé de ma mère avec quelque souci ; je convins avec lui qu’à son retour à Paris, il m’écrirait avec détail et qu’il déciderait ma mère à consulter M. Lerminier, alors notre ami plus encore que notre médecin. C’était, à cette époque, le successeur le plus accrédité qu’eût laissé Corvisart, celui qu’il avait placé lui-même près de l’empereur Napoléon pendant la campagne de Russie.

M. D’Argenson me tint parole ; Lerminier m’écrivit une longue lettre. Ni l’un ni l’autre ne me paraissaient rassurés, sans qu’on fût bien fixé sur la nature du mal ; je partis pour Paris le 18 octobre,