dessina très énergiquement entre la cause de la monnaie métallique représentée par le candidat républicain au poste de gouverneur, M. Hayes (le futur président des États-Unis) et celle de la monnaie de papier (rag money) soutenue par le candidat démocrate, Allen. D’un côté, l’inflation ; de l’autre, la resumption. Les républicains de l’état firent appel à l’éloquence de Karl Schurz, un des leaders des indépendans, pour la défense des bons principes. Les démocrates se virent abandonnés par un de leurs chefs les plus estimables, M. Thurman, qui fit ouvertement campagne contre l’inflationism. Dans les énormes réunions en plein air qu’aiment si fort les Américains, aussi bien ceux qui s’amusent de la politique que ceux qui en vivent, dans les picnics, bals, barbacues, les orateurs patentés ou improvisés n’entretenaient la foule que des avantages incalculables de la cessation du cours forcé, ou des félicités sans nombre que répandrait sur le peuple l’extension indéfinie de la circulation des greenbacks. Les journaux et les masses se passionnaient pour ou contre les thèses opposées : greenbackers ou resumptionists, partisans de l’assignat ou de la monnaie d’or, tous mettaient au service de ces froides et rigides conceptions monétaires autant d’acharnement et de passion qu’on l’en voit déployer dans les querelles entre libéraux et conservateurs en Angleterre ou entre républicains et monarchistes en France.
L’inflationism fut battu dans l’Ohio. Mais, le 6 décembre de la même année, à l’ouverture de la première session du 44e congrès, nommé l’année précédente, cette doctrine entra en triomphe dans la chambre des représentans à Washington, où, pour la première fois depuis la guerre civile, les démocrates purent élire le speaker, organiser à leur gré les comités, parler en maîtres. Tandis qu’au point de vue politique, cette majorité ne songea guère qu’à donner satisfaction à ses longues rancunes contre le parti républicain, en ouvrant sur les actes de l’administration du général Grant vingt enquêtes plus scandaleuses les unes que les autres, elle s’attacha au point de vue financier à réduire les dépenses fédérales, à combattre les monopoles, à battre en brèche le système protectionniste, bien que sur ce dernier point elle fût elle-même très divisée. Les tendances économiques de la nouvelle majorité se manifestèrent par ses efforts constans vers la réalisation des quatre points suivans : 1° rappel de la loi sur la reprise des paiemens en espèces ; 2° remplacement des billets des banques nationales par des greenbacks ou billets du gouvernement fédéral à cours forcé ; 3° augmentation indéfinie, selon les circonstances et les besoins, du montant de la circulation des greenbacks; 4° remonétisation de l’argent.