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créer un nouveau type de circulation fiduciaire, comme si le pays n’en possédait pas déjà une quantité suffisante (billets des banques nationales, greenbacks, certificats d’or et certificats d’argent monnayé), et un type de circulation fiduciaire présentant cette singularité que le gouvernement aurait à en décréter tous les mois les variations de valeur.

Un autre compromis, d’un caractère plus large, embrassant non-seulement la difficulté du monnayage excessif de l’argent, mais aussi la question du remboursement des greenbacks ou billets du gouvernement fédéral, a été esquissé par le secrétaire du trésor dans son rapport annuel.

Les hommes d’état démocrates actuellement au pouvoir ne partagent nullement sur les questions monétaires, on l’a vu dans les pages qui précèdent, les opinions de la grande majorité de leur parti. Non-seulement ils sont antisilverits, mais ils sont au même degré antigreenbackers. Ils estiment que les pouvoirs publics, aux prises avec les besoins gigantesques de la guerre civile, ont bien pu, en 1862, autoriser l’émission de billets de crédit sous l’empire d’une nécessité absolue, constituant au plus haut degré le cas de force majeure[1], mais que le maintien de cette circulation de papier, même sans qualité de legal tender, vingt ans après la fin de la guerre, est une violation formelle de la constitution, qui, dans sa lettre et dans son esprit, n’admet, à leur avis, qu’une circulation purement métallique.

Ils rappellent que le congrès avait pris solennellement, en mars 1869, l’engagement de rembourser en espèces toutes les obligations des États-Unis ne portant pas intérêt, et ils considèrent que la représentation nationale a outre-passé ses pouvoirs constitutionnels lorsqu’elle a voté, le 31 mai 1878, une loi fixant à 346 millions de dollars

  1. Les dépenses de la guerre contre les états confédérés du Sud ayant pris, dès la seconde année, des proportions colossales, le secrétaire des finances, M. Chase, dut demander au congrès la création d’un papier-monnaie non remboursable. Après un long débat, fut votée la loi du 25 février 1862, autorisant le gouvernement à émettre 150 millions de dollars en billets d’au moins 5 dollars chacun, avec qualité de monnaie légale pour le paiement de toutes dettes publiques ou privées, existantes ou futures. D’autres émissions furent ensuite autorisées et le montant des billets de crédit fédéraux (appelés greenbacks), à cours forcé, ne tarda pas à atteindre 450 millions de dollars. Le 1er janvier 1879, conformément aux dispositions d’une loi votée en 1875, les greenbacks cessèrent d’avoir cours forcé. Grâce aux disponibilités métalliques accumulées par le trésor, le passage du régime du papier-monnaie à celui des paiemens en espèces s’effectua sans aucun embarras. Les demandes de remboursement en or furent insignifiantes et les billets de crédit restèrent en circulation. Le montant s’en élève encore aujourd’hui à environ 350 millions de dollars.