Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/823

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui l’a dicté; j’y reviendrai bientôt et plus d’une fois; le discours se terminait par ces mots :

« Aussitôt que les chambres seront constituées, je ferai porter à leur connaissance l’acte d’abdication de S. M. le roi Charles X ; par le même acte, S. A. R. Louis-Antoine de France, dauphin, renonce également à ses droits; cet acte a été remis entre mes mains hier, 2 août, à onze heures du soir. j’en ordonne ce matin le dépôt dans les archives de la chambre des pairs, et je le fais insérer dans la partie officielle du Moniteur. »

Il était impossible de mettre plus noblement et plus efficacement tout ensemble les pouvoirs publics en demeure de décider, à leurs risques et périls, si l’ordre établi serait intégralement maintenu en laissant tomber la couronne sur la tête d’un enfant, ou s’il devait fléchir, à certain degré, sous la nécessité du temps.

Le succès du discours fut éclatant et unanime. Le lieutenant-général, en se retirant, fut reconduit respectueusement par les membres des deux chambres et salué par les applaudissemens du public; il laissa chaque chambre vaquer à sa constitution intérieure, et revint se livrer lui-même aux travaux que la situation lui imposait.

Les nouvelles des départemens étaient excellentes. Le gouvernement de l’Hôtel de Ville était resté étranger à tout ce qui se passait hors des murs de Paris. Il n’avait rien fait pour entraîner la province. Il n’avait envoyé ni agens ni commissaires. Il n’avait révoqué ni préfets ni fonctionnaires. Il n’avait adressé aucun appel, aucun avis aux populations départementales. Il n’y avait eu d’autre propagande que celle qui fut faite par les journaux et par les drapeaux tricolores arborés sur les malles-postes et sur les diligences. Chaque département, chaque ville, chaque bourgade, avait fait dans son sein sa petite révolution; en moins d’une semaine, il ne restait plus, de Dunkerque à Perpignan, de Brest à Strasbourg, un hameau qui ne se fût mis à l’unisson de la capitale.

Mais rien n’était fait encore tant qu’on avait pas obtenu du roi de s’éloigner avec ce qui lui restait d’armée. En présence de ce péril en permanence, forcément la population demeurait sur pied et dans un état d’exaltation fébrile et les barricades demeuraient debout à l’angle de chaque rue ; nous attendions donc avec plus d’anxiété que de confiance des nouvelles de la nouvelle expédition de nos commissaires.

Arrivés le 3 au soir à Rambouillet, ils avaient fait demander un sauf-conduit au duc de Raguse. Le roi avait donné l’ordre de les admettre, et vint lui-même à leur rencontre. Pour leur permettre d’apprécier la force de l’armée royale, on mit une certaine affectation