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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/829

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chaque jour, un chef d’état sans action et le conseil municipal de Paris obéi ; voilà les faits. Que dit, au contraire, le texte de la constitution? Que le pouvoir législatif est divisé en deux chambres ayant les mêmes attributions, et qu’en dehors des ministres, représentant la majorité du parlement, il y a un chef d’état élu pour sept ans, toujours rééligible, et représentant la nation. Le chef du pouvoir exécutif est l’organe essentiel du gouvernement; c’est lui qui, placé au-dessus des partis, est chargé de veiller aux intérêts nationaux, et la constitution actuelle lui a donné les moyens nécessaires pour accomplir cette tâche. C’est lui qui doit assurer une direction continue à la politique étrangère et suppléer à l’instabilité des ministres du quai d’Orsay ; l’armée et la marine doivent trouver en lui un chef toujours préoccupé d’assurer la défense du pays, d’éviter les soubresauts qu’entraîneraient, sans son intervention, les changemens fréquens des ministres de la guerre et de la marine ; c’est encore sur lui que le pays compte pour faire entendre une voix autorisée dans les époques solennelles. Sans lui, que devient la politique étrangère, changeant sans cesse de direction, abandonnant un jour l’Egypte, entrant presque aussitôt en guerre avec la Chine pour conquérir le Tonkin et l’Annam ; rompant, après l’incident de Bac-Lé, le traité de Tien-Tsin pour le reprendre un an plus tard, au lendemain de l’échec de Lang-Son; suivant en Europe une direction aussi incertaine qu’en Orient ?

Que serait également l’armée si chaque ministre de la guerre apportait une nouvelle loi sur le recrutement ? — Si tantôt on appliquait le service de cinq ans, tantôt de quarante mois, tantôt de trois ans? — Quelle marine résisterait aux innovations de chaque ministre? Que penser de nos forces navales si, chaque année, on modifiait le matériel, si un jour on ne voulait que des navires cuirassés pour ne plus construire le lendemain que des torpilleurs? Il ne suffit pas pour exercer une influence au dehors, pour obtenir auprès des diverses nations le crédit que mérite la France, d’avoir partout des représentai; il faut encore que le chef de l’état inspire confiance et soit aussi vigilant que prudent; il faut qu’on sache que les changemens trop fréquens de ministres n’entraînent pas de brusques reviremens dans la conduite des affaires. De même, pour obtenir une force militaire en rapport avec les immenses sacrifices imposés au pays, ce n’est pas assez de consacrer à l’armée et à la marine une somme annuelle de 900 millions et de leur livrer la portion la plus vigoureuse de la jeunesse, il est aussi nécessaire que le président de la république soit le véritable chef de cette grande famille militaire, qu’il l’anime de son souffle patriotique, qu’il la préserve de l’influence des partis politiques, qu’il lui consacre le meilleur de sa vie, et qu’il soit fier de commander à un grand peuple