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à tous les degrés, n’avait pour accomplir sa tâche qu’à doter chaque commune de bonnes écoles, à augmenter le budget de l’enseignement supérieur, à améliorer les collèges et les lycées, à les rendre plus salubres et à abaisser, en même temps, le prix de leur pension, pour mettre l’instruction secondaire à la portée d’un plus grand nombre de familles; ce programme était excellent, il réclamait seulement du temps et beaucoup d’argent. Mais, était-il nécessaire d’expulser des religieux qu’on a, depuis, laissés revenir?.. Non, la campagne en faveur de l’instruction, parfaitement légitime, n’exigeait aucune persécution; en augmentant le budget de l’instruction publique de plus de 100 millions, c’est-à-dire en le quadruplant, on pouvait, avec un bon emploi de ces ressources et quelques réformes, assurer le succès de cette œuvre nationale; aucune entreprise n’était plus patriotique ; aucune n’eût été plus populaire ! Pourquoi s’est-on laissé détourner de ce noble but? Pourquoi a-t-on enlevé quelques millions de francs au budget des cultes? Pourquoi essayer de faire obstacle au recrutement du clergé et le menacer tous les ans de la suppression de son traitement? Pourquoi chasser des hôpitaux les sœurs de charité? Si l’on croit par ces mesures, ou par d’autres, enlever au peuple sa religion ou, ce qu’on appelle avec une arrogante ignorance, ses superstitions ; si on espère réduire l’humanité à l’état d’un troupeau uniquement occupé à se nourrir et à jouir ici-bas, on se trompe étrangement! Non, l’homme ne vit pas seulement des fruits arrachés à la terre par un pénible labeur ; il ne lui suffit même pas de découvrir les lois du monde qui l’entoure et d’asservir la nature à sa volonté ; l’industrie et la science sont impuissantes à satisfaire tous ses besoins, l’intelligence la plus humble et l’esprit le plus cultivé ont d’autres aspirations. L’homme cherchera toujours à pénétrer l’énigme de sa destinée, à connaître l’auteur de l’univers, à trouver dans l’espérance d’une vie meilleure une consolation à ses souffrances, et comme la science ne peut résoudre ces problèmes qui font à la fois son tourment et sa grandeur, c’est à la religion qu’il s’adresse. Avoir la prétention de se passer de la religion, ce n’est pas seulement méconnaître l’histoire de tous les peuples, se mettre en contradiction avec la nature humaine et marcher à un échec certain, mais c’est entreprendre une œuvre mauvaise et pousser à l’abaissement ou au désespoir les malheureux.

Du reste, si le parti républicain attaque aujourd’hui le clergé, ce n’est pas tant pour ses croyances religieuses que pour le concours par lui donné au parti conservateur; il se préoccupe moins de convertir des âmes que de conquérir des électeurs ; ce qu’il poursuit dans le clergé, dans les congrégations et jusque dans les hôpitaux, c’est une organisation puissante qui constitue un comité électoral,