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langage n’avait été tenu ; jamais on n’avait porté une telle atteinte à la discipline; jamais on n’avait essayé de transformer l’armée nationale en garde nationale.

Le ministre des travaux publics ne pouvait rester en retard vis-à-vis de ses deux collègues ; aussi ne s’est-il pas opposé à un ordre du jour affirmant que les droits de l’état et les intérêts des ouvriers ne sont pas suffisamment sauvegardés par la législation des mines ; cet ordre du jour a été voté à une immense majorité après que le chef du cabinet s’était prononcé en sa faveur. Cette grève n’a différé de celles d’Anzin et de Montceau-les-Mines que pour avoir été souillée par un crime, pour avoir éclaté au milieu d’une crise générale de l’industrie et alors qu’on n’avait pas songé dans les précédentes grèves à faire intervenir l’état, on déclare aujourd’hui qu’il est urgent de modifier la législation des mines qui sacrifie les droits de l’état et les intérêts de l’ouvrier.

Il était difficile de tromper plus grossièrement les ouvriers qu’en leur faisant croire qu’une législation peut leur donner le droit de destituer des ingénieurs et le moyen d’augmenter les salaires lorsque les produits se vendent au-dessous du prix de revient. Si vous croyez par de semblables manifestations réconcilier les divers facteurs de la production, si vous pensez qu’en menaçant les riches vous enrichirez les pauvres, qu’en dénonçant à la haine populaire les chefs d’industrie, vous encouragerez l’esprit d’entreprise et rendrez plus bienveillans les rapports des ouvriers et des patrons, si, surtout, vous croyez vous concilier les suffrages de ceux que vous égarez en leur donnant de fausses espérances, un avenir prochain vous détrompera ! Dans la lutte qui se prépare et que vous aggravez, vous serez également maudits par ceux que vous avez menacés et par ceux que vous avez trompés. Après avoir contribué à les ruiner par une grève dont la prolongation est votre œuvre, vous serez justement accusés par eux et ils vous rendront responsables de leur misère commune ! Au milieu de nos divisions vous avez apporté un nouveau brandon de discorde en soulevant une question qui n’est pas la moins redoutable : la question sociale.

Que va faire pendant ces quatre années de législature la chambre des députés qui a absorbé en elle tous les pouvoirs, et qui n’a plus à compter qu’avec le conseil municipal de Paris? d’abord, cette assemblée représente-t-elle fidèlement le pays? — Ensuite, contient-elle les élémens d’une majorité? — Il semble étrange de poser la première question, car jamais élections ne furent plus libres que celles d’octobre dernier ou, pour parler plus exactement, jamais ministère n’intervint moins dans le scrutin. Eh bien ! je veux essayer d’établir qu’aucune chambre ne représente moins la France et plus exclusivement les partis qui l’agitent