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hâter de pénétrer dans l’appartement des femmes, une merveille, un bijou, un joyau d’art arabe. Jamais peut-être l’idée poétique que nous nous faisons du harem n’a paru aussi heureusement réalisée. Figurez-vous une série de petites chambres reliées entre elles par plusieurs séries de corridors qui montent, qui descendent, qui tournent dans toutes les directions, qui se croisent et s’entre-croisent comme dans un labyrinthe inextricable. C’est le plus délicieux des désordres, c’est le plus délicat des chaos. Un souffle de volupté discrète et prolongée plane sur ces adorables réduits, où l’on ne sait comment on entre, d’où on sait encore moins comment on pourra sortir. Chacun d’eux semble un nid caché, séparé de tous les autres, et aussi amoureusement préparé que s’il existait seul. Il est impossible d’imaginer, il est plus impossible encore le décrire les décorations de ces chambres ; aucune ne ressemble aux autres; toutes sont exquises. Un fouillis d’arabesques couvre les plafonds ; les murs sont revêtus de mosaïques d’une élégance et d’une complication invraisemblables ; les fenêtres, très petites, sont soutenues par des colonnettes minuscules, merveilleusement ouvragées ; de véritables dentelles de bois ou de plâtre servent de corniches. Mais ce qui est plus charmant que tout le reste, ce sont les espèces d’enfoncemens, les sortes d’alcôves où se tenaient les femmes sur des tapis et des coussins amoncelés; les plus belles et les plus extraordinaires décorations arabes y sont prodiguées; le plafond, taillé en demi-voûte, est formé de ces petits cubes, de ces alvéoles étages les uns sur les autres, comme les rayons d’une ruche, dont les artistes orientaux tirent des effets d’une variété si imprévue; peints de couleurs diverses, ils ressemblent à un kaléidoscope, où l’œil se perd dans les plus étranges visions. Et quelle visions devaient apparaître, en effet, aux heureux possesseurs de ce palais féerique, lorsque, à la suite de longues conversations amoureuses, ils laissaient errer leurs regards sur une des plus fantasques productions de cet art des Arabes, qui ne parle pas à l’âme, qui ne s’adresse pas davantage à l’esprit, qui n’est fait que pour animer les sens, pour les étonner et les enivrer par des fantaisies de plus en plus hardies, par des gageures de mieux en mieux soutenues contre l’impossible ! Enveloppés d’une demi-obscurité, perdus dans le vague de leurs pensées ou dans l’indécision des formes environnantes, tout, autour d’eux, les invitait à se lancer et à se perdre dans le domaine infini du rêve. Et, lorsque la lassitude ou le dégoût était sur le point de les ramener à la réalité, ils avaient seulement quelques pas à faire, un corridor silencieux et facile à franchir pour trouver de nouveaux enchantemens ou de nouvelles déceptions. N’est-ce pas l’idéal du harem? n’est-ce pas ainsi qu’il doit être : compliqué comme une arabesque, afin de prêter