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n’avait d’autre mérite que celui d’être interdit; faut-il que ce mérite soit fort! Un nouvel échange, à la fin, remet chacun à sa place. Auprès de la comédie de M. Doucet, on le voit, le récit de la Genèse n’est qu’une saynète : l’auteur primitif, pour démontrer la vérité en question, n’avait qu’une pomme ; le nôtre en a plusieurs dans son verger.

Les personnages, entre qui le soin de cette démonstration se distribue, sont des caractères tracés d’un crayon léger, mais juste. Ce vieillard, bon naturellement, et qui l’est demeuré à travers un long commerce avec les hommes, sans être leur dupe; malin, et qui n’use de sa malice que pour les desseins de sa bonté; bienfaisant et moraliste, mais qui ne fait d’embarras ni de ses bienfaits ni de sa morale; qui paraît l’obligé de ceux qu’il sert, et qui met, pour un gain honnête, le diable même dans son jeu, — ce vieillard, qui joint la bénignité à l’adresse, doit avoir un modèle qui n’est pas loin ; mais, quel que soit l’original, ce pastel est charmant.

Le neveu d’un tel oncle serait dénaturé s’il n’était jeune, et vous entendez bien de quelle façon; jeune comme on l’est encore, sans doute, mais comme les auteurs, qui choisissent leurs vérités, ne disent plus qu’on le soit. Oui, je gagerais qu’il y a encore en province, voire à Paris, des bacheliers amoureux d’une cousine et même de deux. Pourquoi ne les laisse-t-on pas sortir? Celui-ci, lâché sur la scène, y gambade comme un poulain et fait mille tours. Il va, vole, fuit le mariage et la famille, bel oiseau bleu, et roucoule sa romance à quelques fenêtres; il reparaît


Et rentre de lui-même, en chantant, dans la cage;


mais d’abord pour y voleter au-dessus du nid des autres. Honni soit qui mal y pense :


r où l’on revient, l’enfant est une femme,


et, ce qui mieux est, la femme d’autrui! On s’aperçoit, en la regrettant, qu’on l’aime un peu... Qu’on l’aime? Laquelle, s’il y en a deux? L’une et l’autre, puisque l’une et l’autre ont le même attrait. Mais, comme dit l’oncle, avec cette raison enjouée qui fait enrager un neveu,


Quand on en aime deux, on n’en aime pas une !


Aussi sommes-nous tranquilles; nulle idée d’un drame rempli d’adultères et d’incestes n’émeut notre imagination : la famille Desrosiers ne