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de mise en scène qui égaie les yeux de façon analogue : Léon s’évanouit à gauche, à côté d’une petite table, en apprenant le mariage de Claire, et celle-ci, le croyant incommodé par la chaleur, ouvre la fenêtre; en apprenant le mariage de Marguerite, un moment après, il s’évanouit à droite, à côté d’une petite table pareille, et, comme il accuse le froid, Marguerite ferme la fenêtre.

Cette perfection dans la pratique d’une certaine méthode, même pour ceux qui ne voudraient pas que cette méthode revînt en usage, n’est-elle pas au moins curieuse? Nous préférons aujourd’hui, dans l’art de présenter les personnages et d’ajuster les situations, dans toute la conduite d’une pièce et jusque dans la mise en scène, un peu plus d’abandon naturel et même de fantaisie, ou du moins nous voulons que les habiletés nécessaires de l’auteur soient plus déguisées ; des pièges si peu couverts ne nous prendraient plus. Nous nous prêtons cependant à ceux-ci, pour un moment, de bonne grâce et avec plaisir : l’artifice est naïf; sa naïveté même nous désarme, et nous lui sourions sans colère. Aussi bien, je ne jurerais pas que, derrière tel dégoûté qui fait le bon prince et applaudit avec indulgence, il n’y ait pas un gros d’innocens qui se laissent capter encore, sans nulle arrière-pensée, par ce que cette naïveté a d’artificieux. J’entendais trop de murmures de contentement, l’autre soir, pour que les raffinés fussent seuls à se réjouir. Au théâtre, il y a toujours des enfans. Et le gâteau que l’on offre à ceux-ci est feuilleté selon une recette qui plut à leurs bisaïeuls: elle peut bien leur plaire encore !

Mais cette pâte ainsi disposée, est-elle dorée, a-t-elle bonne mine? Cette comédie, enfin, a-t-elle les agrémens extérieurs du style? Des légendes en faisaient douter, créées par quelques romantiques et entretenues par des badauds, assez irrévérencieuses, sinon hostiles à ce vétéran de l’école du bon sens. Eh bien ! à l’épreuve, il se trouve quelques vers, par bonheur, pour alléger les remords de ces gens-là :


Quand on ne sait que faire et qu’on ne voit personne,
Pour le premier venu le cœur se passionne.
— Quand on vit au milieu d’un tas de garnemens,
On finit tôt ou tard par les trouver charmans...


Je ne prétendrai pas que ce langage soit fort relevé, ni cette poésie musicale. Je ne fais pas mes délices de ce distique :


C’est un dérivatif par contradiction,
Remède tout nouveau de mon invention.


J’aime peut-être encore moins :


Tu n’iras plus au bois,
Pauvre oiseau qu’on nommait Chérubin autrefois!