comparés aux autres Arabes du nord de l’Afrique : leurs jeux même sont vulgaires, sans imagination, sans élan, sans originalité ; on y sent la médiocrité d’une race en décadence qui a perdu ses qualités d’autrefois, qui s’est immobilisée dans le passé, chez laquelle la routine a tout envahi.
Il va sans dire que, si j’appelle les Marocains des Arabes, c’est que j’écris ici sans la moindre prétention d’exactitude scientifique, me servant du langage ordinaire pour éviter de me donner des airs prétentieux. Les Arabes sont extrêmement rares au Maroc ; ce qui domine dans ce pays, ce sont ces races libyenne ou berbère, que les premières migrations orientales ont déjà trouvées établies sur toute la côte septentrionale de l’Afrique, du littoral jusqu’au Sahara, et qui forment encore là, plus qu’ailleurs, la masse principale de la population. M. Tissot, qui, lui, était un savant, s’était appliqué à rechercher sous les noms des peuplades antiques, les tribus du moyen âge et d’aujourd’hui. Il me suffira d’expliquer que la plupart des Marocains sont ce qu’on appelle dans le pays des Imazighen, c’est-à-dire des Berbères, et, pour être mieux compris, j’ajouterai que Imazighen, les Berbères, est le pluriel d’Amâzigh, un Berbère ; au féminin, une Berbère se dit : Tamâgiht, et les Berbères : Tamazighen. Ceci donné à la science, je reviens à l’escorte de cavaliers qui nous attendait, l’arme au bras, à quelque distance du Sbou. Je répète que je n’en avais pas encore rencontré d’aussi nombreux, et, en approchant davantage, je constatai également que c’était la plus brillante que nous eussions eue jusqu’ici. Le milieu de la ligne, où se tiennent le caïd et son califa, est toujours occupé par les plus beaux cavaliers ; à mesure qu’on descend du centre aux extrémités, il se produit, dans la qualité des hommes et des montures, une décadence des plus amusantes ; au centre, les chevaux hennissent et se cabrent sous les plus jeunes, les plus riches, les plus étincelans représentans de la tribu ; aux extrémités, des gens en guenilles, ramassés on ne sait où pour faire nombre, des vieillards décrépits, des esclaves sordides se tiennent modestement accroupis sur de pitoyables haridelles, parfois sur de simples mulets. Je n’ai rien vu au Maroc de plus élégant que le groupe central de notre escorte du Sbou. Il y avait là une dizaine de cavaliers dont les selles me paraissaient ravissantes de coloration ; les unes étaient toutes rouges, les autres toutes bleues, d’autres toutes jaunes, d’autres toutes vertes, mais ces rouges, ces bleus, ces jaunes et ces verts avaient une extraordinaire intensité. Le poitrail des chevaux était recouvert d’une sorte de plastron brodé d’or sur ces fonds étranges, plastron attaché à la selle au moyen d’une plaque émaillée, quelquefois admirable. La bride, de la même couleur que la selle, se terminait,