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au mysticisme chrétien, en parcourant trois mille ans de civilisation, c’est témoigner sans nul doute de sa propre indépendance d’esprit autant que de la largeur des enseignemens reçus. La restauration des édifices sacrés d’Eleusis était une tentative des plus hardies, pour ne pas dire des plus téméraires. Malgré quelques premières fouilles de François Lenormant, les terrains autrefois couverts par ces édifices ne laissaient apparaître qu’un nombre insignifiant de vestiges matériels. En outre, ce qui d’ordinaire vient en aide à l’imagination des restaurateurs, ce qui encourage leurs recherches et justifie leurs hypothèses, le document historique et littéraire, cette fois, faisait absolument défaut. Le respect mêlé de terreur, qui défendait le secret des mystères de la bonne Déesse, s’était étendu jusqu’à sa résidence. Pausanias, ce guide accoutumé qui n’avait manqué naguère ni à M. Loviot, pour sa restitution du Parthénon, ni à M. Laloux, pour sa réédification des magnificences d’Olympie, Pausanias lui-même se montrait fort laconique : « Les Eleusiniens, dit-il, ont plusieurs temples qui sont dédiés, l’un à Triptolème, l’autre à Diane Propylée, l’autre à Neptune le père. On voit chez eux un puits qu’ils nomment le Callichore, autour duquel les femmes ont institué des danses et des chœurs de musique en l’honneur de la déesse ; ils assurent que c’est dans les plaines de Rharos que l’on sema et que l’on cueillit du blé pour la première fois. Ils montrent même une aire qu’ils appellent faire de Triptolème avec un autel qui lui est consacré. Quant aux autres choses qu’ils gardent dans l’intérieur du temple, outre que l’avertissement dont j’ai parlé m’empêche de les révéler, on sait d’ailleurs que ceux ; qui ne sont pas initiés à ces mystères ne doivent pas en prendre connaissance, ni n’ont la liberté de s’en informer curieusement. » C’est tout. Plutarque ne donne guère en plus que la date des constructions et le nom des architectes contemporains d’Ictinus et de Phidias : « La chapelle des mystères à Eleusis fut commencée par Corèbe, qui éleva le premier rang des colonnes et y posa des architraves. Après sa mort, Métagènes, du bourg de Xyppète, plaça le cordon et le second rang de colonnes ; Xénoclès, du bourg de Cholargue, termina le dôme et la coupole qui est au-dessus du sanctuaire. » C’est à l’aide de ces vagues lumières que M. Blavette entreprit les fouilles du monticule d’Eleusis. Comme on le voit par ses divers dessins, exécutés avec une grande clarté, il eut le bonheur de mettre à nu, à la suite des Propylées, sur la déclivité rocheuse qui monte, en pente douce, jusqu’au plateau de l’Acropole, non-seulement des suites de degrés taillés dans le roc ou façonnés en marbres, mais tout un ensemble de bases de colonnes et de substructions. C’est ainsi qu’il a pu reconstituer d’une façon certaine le plan de l’enceinte sacrée, le Secos, non pas celle où se tenait