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rapports constans, des intérêts communs, et comme M. Jules Simon le leur a dit en propres termes, sans marchander les mots : ceux qui ne tiennent pas compte de ce que pensent les autres pays « sont des fous ! » Après tout, ces princes qu’on bannit aujourd’hui sans façon, sans raison, ont des parentés, des relations partout. M. le Comte de Paris n’a en qu’à paraître en Angleterre pour être l’objet des attentions populaires et pour recevoir les témoignages des sympathies de la reine Victoria. Une des princesses de cette famille qu’on frappe épousait l’an dernier le prince de Danemark ; une autre se mariait il y a un mois avec le prince destiné à porter la couronne de Portugal, et l’ambassadeur de la république à Lisbonne saluait l’événement comme le gage de l’amitié des deux pays. Une troisième princesse est la sœur de l’impératrice d’Autriche. La Comtesse de Paris est la plus proche parente des souverains de l’Espagne. Du nord au midi, ces princes tiennent à toutes les familles régnantes. D’un autre côté, le prince Napoléon lui-même est l’allié du roi d’Italie et sera toujours bienvenu auprès des Italiens.

Assurément tous ces états n’ont aucune intention de se mêler de nos affaires, et parce que des princes français sont bannis par des pouvoirs troublés, ils ne rappelleront pas leurs représentans. La meilleure preuve, c’est qu’un nouvel ambassadeur du roi de Portugal vient d’arriver à Paris, et la première audience qu’il va avoir de M. le président de la république ne laissera pas d’être curieuse. Les rapports officiels resteront ce qu’ils sont, ce n’est pas là la question ; mais franchement ce serait une singulière illusion de se figurer que ces coups de force et de parti passent sans laisser aucune impression. Que veut-on qu’en pensent les gouvernemens ? Quelle situation fait-on aux représentans de la France auprès des cours que nous serions quelquefois le plus intéressés à ménager ? Les sympathies pour notre pays n’étaient pas déjà bien nombreuses ; la loi qu’on vient de voter ne rendra pas les relations plus cordiales ou plus faciles, — non pas, si l’on veut, par des considérations personnelles, mais parce que gouvernemens et nations s’accoutument à voir dans de telles mesures le signe d’une situation affaiblie, contestée, où les pouvoirs publics commencent à n’être plus maîtres d’eux-mêmes : de telle façon que cette expulsion des princes n’est faite ni pour servir notre considération extérieure ni pour simplifier et pacifier notre situation intérieure.

Non, sûrement, on n’a rien gagné, il n’y avait rien à gagner à ces mesures qui ne pouvaient avoir d’autre résultat que d’enflammer les passions, de tout envenimer, de tout compliquer, et qui, de plus, apparaissaient comme le point de départ d’une série ininterrompue de répressions ou de vexations. Lorsque, dans les dernières discussions, au sénat comme à la chambre des députés, on disait au gouvernement