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Dans une grande composition d’un des pylônes du temple de Louqsor, qui date du temps de Ramsès II, le spectateur voit à sa gauche l’Oronte s’élargir en un lac considérable, qui enveloppe de plusieurs côtés les murs de la place. Le fleuve sort du lac au nord, vers la droite du tableau.

La ville de Cadech a disparu ; à l’époque classique, elle avait été remplacée par la célèbre Emèse, aujourd’hui Homs, qui n’est même pas au bord de l’Oronte ; mais le lac existe encore, et c’est sur ses bords qu’il faut chercher l’emplacement du vieux fort hétéen. Robinson, le célèbre voyageur américain, fut le premier à appeler l’attention sur ce vaste étang, qui se trouve à deux heures de Homs, étang qui parait avoir été créé au moyen d’une digue que la tradition locale attribue à Alexandre le Grand. Cette nappe d’eau, c’est celle qui est représentée sur les monumens de Ramsès II comme contiguë à la forteresse de Cadech. Le lac, par une persistance de la tradition populaire qui n’est pas rare en Orient, a conservé le nom de la ville dont il avait fait autrefois la principale défense ; il porte encore le nom de Cadès. On y voit au nord une île où s’élève un tell ou monticule ; celui-ci renferme très probablement dans ses flancs les restes des murs qu’ont tant de fois assaillis les soldats des pharaons. Lorsque Robinson raconta sa découverte, en 1856, dans ses Dernières Recherches bibliques, il fit cette réflexion : « On ignore pourquoi ce lac porte le nom de Cadès. » Nous le savons aujourd’hui. Robinson n’a d’ailleurs pas été dupe d’une illusion, de quelque mot mal prononcé ou mal entendu. Aboul-Féda avait mentionné ce lac, qu’il appelle Kédès et qu’il regarde aussi comme l’œuvre de l’industrie humaine[1].

Depuis Toutmès III, le premier conquérant égyptien dont l’itinéraire nous soit connu, les armées thébaines, quand elles attaquaient la Syrie, ont toujours suivi la même route, qui, par le pays des Philistins, les conduisait jusqu’à Megidi ou Mageddo, place forte sous laquelle se livrait la première bataille. Celle-ci gagnée, le pharaon ne rencontrait guère plus de résistance à briser que lorsque, continuant à monter vers le nord, il se présentait devant Cadech. C’était là qu’acceptaient ou qu’offraient le combat celles des tribus que les premières défaites n’avaient pas décidées à déserter la lutte ; pour arrêter le vainqueur, on comptait sur la force des remparts de Cadech et sur cette ceinture d’eau vive qui les entourait. Si l’armée de secours qui défendait la place était battue et la laissait tomber, les

  1. Cette description et les indications qui précédent sont empruntées au mémoire de l’abbé Vigouroux, qui analyse ou cite les témoignages des explorateurs de la Haute-Syrie.