la série de remarques, de comparaisons et d’ingénieux raisonnemens par laquelle il arrive à indiquer, pour une trentaine d’autres signes, des valeurs qu’il considère comme plus ou moins probables[1]. On pourra trouver que telle ou telle de ces conjectures ne repose que sur un léger fondement ; cependant, si certaines des déterminations proposées restent encore très douteuses, on peut affirmer que M. Sayce n’a pas deviné au hasard, qu’il a une méthode. L’alphabet cypriote est venu, fort à propos, fournir un moyen de contrôle et permettre de faire la preuve de l’opération.
L’alphabet cypriote avait résisté longtemps à tous les efforts des érudits ; ils ne savaient comment interpréter ces signes étranges et compliqués qu’ils rencontraient à Cypre, et là seulement, sur les monnaies et dans maints textes gravés soit sur la pierre, soit sur le bronze, dédicaces ou contrats ; ils prétendaient y trouver une ancienne langue cypriote, un idiome asiatique. George Smith est parvenu le premier à établir, par l’étude des textes bilingues, que sous ces lettres il ne fallait pas chercher autre chose que le grec cypriote, qui se rattache au groupe des dialectes éoliens. Quant à l’alphabet, il s’est maintenu en usage dans l’île, à côté de l’alphabet grec ordinaire, au moins jusque sous les premiers Ptolémées. Il devait se composer d’environ soixante signes, dont cinq voyelles (α, ε, ι, ο, υ) et douze consonnes (χ, τ, Π, μ, ν, ρ, F, j, σ, ξ, ζ), la plupart de ces consonnes ayant cinq différentes formes, selon la voyelle inhérente (par exemple χα, xε, xι, xο, xυ) ; certaines lettres, comme le j, le ξ, le ζ, n’avaient peut-être pas la série complète des cinq signes. Les aspirations paraissent faire absolument défaut, ou du moins n’avoir pas été notées. On a peine à comprendre que les Grecs de Cypre, quand ils ont été mis en possession de l’alphabet phénicien, n’aient pas aussitôt renoncé à l’instrument fort incommode dont ils s’étaient servis jusqu’alors. On ne s’explique cette singularité que par l’esprit très conservateur qui régnait dans ce monde lointain et fermé de l’hellénisme cypriote ; à l’ombre des temples, entre les mains des prêtres, cet alphabet, le seul qu’eussent connu et pratiqué les ancêtres vénérés, était devenu une sorte d’alphabet hiératique qui semblait donner aux actes où on l’employait une plus religieuse solennité. Voisine de l’Egypte, Cypre était fière d’avoir, comme elle, ses hiéroglyphes[2].
On avait d’abord pensé que cet alphabet cypriote avait été tiré du syllabaire cunéiforme au moment où l’empire assyrien avait atteint sa plus grande extension, quand les rois de Cypre payaient