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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/339

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on les a pris, autant que faire se pouvait, avec les valeurs qui y étaient attachées dans l’écriture que l’on avait décidé de s’approprier. De tous les peuples qui ont alors accompli ce travail d’accommodation, le seul dont l’œuvre se soit conservée dans son entier, c’est ce curieux peuple des Grecs cypriotes. On connaît maintenant, à très peu de chose près, les valeurs phonétiques de tous les signes de cet alphabet ; or, il est à présumer que, dans la plupart des cas, ces valeurs répondent à celles qu’avaient déjà les caractères plus anciens dont chaque lettre cypriote n’est que l’abréviation. Au premier moment, il semble que l’on puisse espérer parvenir, par une série de comparaisons, à retrouver la valeur de beaucoup des caractères hétéens, de tous ceux du moins qui sont entrés dans l’alphabet cypriote. L’embarras, c’est que, le plus souvent, la forme dernière, la forme écourtée, est trop éloignée de la forme initiale, de la forme complète, pour que l’on remonte de l’une à l’autre avec quelque certitude ou même avec quelque vraisemblance. Il y a cependant des caractères cypriotes qui se prêtent au rapprochement et dont le prototype hétéen se laisse assez aisément découvrir. Ils sont, il est vrai, en assez petit nombre ; mais ils n’en ont pas moins donné lieu tout récemment à une remarque sur laquelle nous ne saurions trop appeler l’attention.

M. Sayce avait cru pouvoir assigner à huit caractères hétéens les valeurs i ou e, ka ou ku, te ou to, me ou mo, se, si, ti ou di, u. On lui suggéra l’idée de comparer ces signes, un à un, à ceux des signes cypriotes qui ont ces mêmes valeurs ; il s’empressa de faire l’épreuve où on le provoquait, et les résultats en dépassèrent son attente. Il s’est empressé de les résumer dans un tableau que nous avons sous les yeux[1]. Dans deux cas seulement il peut y avoir doute ; dans les six autres, on ne saurait nier le rapport qui est bien tel que l’hypothèse le donnait à prévoir. L’alphabet cypriote est à l’écriture des stèles de Hamath et des sculptures rupestres de l’Asie-Mineure ce que le hiératique et le démotique sont, en Égypte, à l’écriture monumentale des pylônes et des tombes.


IV

On a déjà compris comment et pourquoi, dans ces derniers temps, on s’est tant occupé de la question hittite, comme disent les Anglais ; mais, pour la traiter sous tous les aspects, il faudrait tout un livre. Celui de M. Wright n’est guère qu’un recueil de matériaux et, malgré le zèle de l’auteur, malgré la sûreté de ses informations,

  1. Wright, the Empire of the Hittites, p. 178.