La question des torpilleurs, contre les bâtimens au mouillage ou contre ceux venant nous attaquer sur nos propres côtes, est donc une question jugée et résolue : je l’ai déjà dit, mais je ne saurais trop le répéter pour éviter toute équivoque. Quant à la question des torpilleurs dans une lutte à la mer, dans la compétition pour l’empire de l’océan, elle reste tout entière. Jusqu’à ce que nous soyons éclairés par les leçons de l’expérience à cet égard, tous les systèmes qu’on peut établir, toutes les théories qu’on peut édifier, tous les résultats qu’on peut prédire, toutes les assurances qu’on peut donner n’ont d’autre effet certain que celui de montrer la richesse de l’imagination de leurs auteurs et leur imperturbable confiance dans l’infaillibilité de leurs raisonnemens.
Il n’est pas à dire pour cela qu’il faille rester inactifs, attendre les bras croisés ces enseignemens de l’expérience ; non, tout au contraire, cherchons à les prévoir dans la mesure du possible, mais avec prudence, avec sang-froid, sans nous laisser entraîner, passionner, enthousiasmer par la pensée de résultats merveilleux rêvés mais non acquis ; livrons-nous, ainsi qu’on le fait avec une impulsion nouvelle[1], depuis ces derniers temps, livrons-nous à l’étude de toutes ces questions, à tous les exercices, à tous les simulacres que les circonstances pourront comporter, mais ne considérons tout ce qui sortira de là que comme des données insuffisantes pour asseoir un jugement définitif ; n’acceptons leurs conclusions que comme des indices dont il y aura beaucoup à rabattre et qui ne sauraient justifier, en aucune façon, le renversement complet et prématuré de notre organisation navale.
Vous dites que notre flotte nous est inutile, parce que vous n’admettez pas que nos vaisseaux puissent quitter nos ports sans tomber fatalement sous les coups d’invisibles torpilleurs et aussi parce que vous pensez que, de même qu’elle ne pourra jamais aller insulter l’ennemi chez lui, la sienne ne pourra plus venir forcer nos passes, bombarder nos forteresses, brûler nos ports, — tout cela, de par les torpilleurs, étant devenu invulnérable.
Si l’Angleterre, dites-vous, prétend être assez riche pour faire des dépenses militaires inutiles[2], libre à elle de continuer à construire des cuirassés et des croiseurs. Ces cuirassés, ces croiseurs, s’ils osaient un jour venir nous disputer l’empire, seraient balayés par nos torpilleurs sans qu’il en restât un seul pour aller dire à l’Angleterre comment ils ont péri.
J’ai montré qu’il n’en serait pas ainsi, que l’introduction de la torpille automobile n’empêchera ni les flottes, ni les bâtimens de