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au plus leurs équipages pourraient-ils se servir du pistolet-revolver, car il me parait difficile de se servir de fusils lorsqu’on ne sait où se tenir debout et qu’il faut se cramponner pour ne pas tomber à la mer ; sur ces espèces de ponts-carapaces où règne à peine un étroit sentier, la question de la tenue de l’équilibre doit être assez épineuse sans y ajouter la lutte à coups de fusil ou à l’arme blanche. Cependant les deux flottilles ne resteront pas éternellement à s’observer ; il faudra bien qu’elles combattent et je ne vois pas qu’elles puissent faire autre chose que de se précipiter L’une sur l’autre et de chercher à se couler par le choc. Quoi qu’il en soit, il y aura un vainqueur, et, à la suite de cette victoire, la mer sera libre pendant un certain temps pour lui et pour les bâtimens de sa nation.

Supposons que chaque flottille de torpilleurs soit accompagnée d’une escadre de cuirassés qu’elle est chargée de précéder et de couvrir ; comment s’engagera la lutte ? Chaque escadre pourra, pardessus ses torpilleurs, canonner ceux de l’ennemi et canonner en même temps l’escadre opposée, mais aucune ne voudra subir cette destruction en détail. D’un autre côté, les flottilles ne peuvent aller torpiller l’escadre ennemie sans rencontrer la flottille rivale sur sa route, d’où il résultera une mêlée dans laquelle les cuirassés, ne distinguant plus les torpilleurs amis des ennemis, s’abstiendront de tirer, et les escadres alors pourront se précipiter l’une sur l’autre pour se couler par l’éperon, chacune laissant à sa flottille le soin de la préserver des torpilleurs ennemis. Il y aurait donc ainsi deux combats séparés qui pourront être suivis d’une nouvelle lutte, celle-ci de cuirassés contre torpilleurs, si l’escadre et la flottille victorieuses n’appartiennent pas au même belligérant. Il pourrait arriver aussi que les vainqueurs eussent assez souffert de la première lutte pour se trouver, cuirassés et torpilleurs, réduits à l’impuissance de la recommencer. Je me borne à indiquer les situations qui pourront se présenter dans la guerre future, sans prétendre nullement dire comment se passeront les choses ; l’inspiration du moment, la force des circonstances, le hasard, la fortune guideront les combattans. Mais si l’on ne peut pas dire comment on réglera les principes de la tactique des batailles entre flottes ou flottilles mixtes, ce qu’on peut affirmer, c’est que chaque belligérant voudra combattre et avec tous les moyens ; on ne peut pas admettre que tous les deux ne veuillent s’assurer l’empire de la mer ou de tel point de la mer ; ils se disputeront cet empire avec acharnement ; tout moyen leur sera bon et ils chercheront à utiliser toute machine de guerre quelconque, vieille ou nouvelle.

Supposez la France et l’Angleterre ou l’Italie en guerre : la France aura un intérêt capital à dominer la Méditerranée ; les