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il fut mis hors de cause, ainsi que plusieurs autres gentilshommes normands qui avaient été impliqués dans l’affaire[1].

Quant au comte de Créqui, dont le chevalier de Préau faisait sonner le nom à ceux qu’il voulait enrôler, sans indiquer son titre, de façon à laisser supposer qu’il s’agissait du maréchal de Créqui, alors en disgrâce, ou du duc, son frère, c’était, comme le comte de Flers, un parent du chevalier de Rohan. Il jouissait d’une certaine influence en Normandie, province où se trouvait son château appelé le Champ de bataille. Il avait été récemment mandé dans la généralité d’Alençon, pour la convocation du ban et de l’arrière-ban. Il était depuis longtemps en rapport avec Latréaumont, et c’est là ce qui explique comment il fut mêlé à toutes ces intrigues. Aimar Dubosc de Sourdeval, dont nous avons déjà parlé, jeune officier qui avait connu le chevalier de Rohan à l’armée, entra plus avant dans la conspiration. Après avoir été page de la chambre du roi, il avait servi en qualité d’aide-de-camp de M. de La Feuillade, puis du prince de Condé. Sans emploi, au temps où le complot se préparait, il s’était fait le familier du chevalier de Rohan, le venait voir souvent à Saint-Mandé, où il couchait parfois, et il jouait volontiers avec lui aux cartes, ce qui était aussi le cas pour un sieur Barada, qui fut soupçonné de n’avoir pas été étranger à la conjuration. Sourdeval rendait au chevalier de Rohan quelques bons offices ; il lui prêta des chevaux pour son carrosse, quoiqu’il fût comme celui-ci très endetté[2], chevaux que, par parenthèse, le chevalier mit en fort mauvais état. Cette intimité donne au moins lieu de supposer que Sourdeval était au courant de l’affaire, tout comme l’abbé de Préau, frère du chevalier du même nom, aussi l’un des habitués de Saint-Mandé. L’abbé se retira dans son bénéfice, à temps pour n’être pas compromis. De graves soupçons pesaient sur lui et il fut même arrêté. M. de Sourdeval devait avoir promis de prendre part au soulèvement, car le chevalier de Préau lui avait

  1. Tel fut le cas pour François de Grieux, jeune gentilhomme attaché au chevalier de Rohan, pour René Grimbaux, surnommé de Scarsaux, vingt-sept ans, laquais de M. de Rohan, pour Nicolas Lallemant, trente ans, maître d’hôtel dudit chevalier, pour François-Louis Du Puy, vingt et un ans, son tailleur et son valet de chambre. Mais ces individus furent placés, comme le comte de Flers et le sieur de Sourdeval, sous la surveillance de la police.
  2. L’un des témoins qui déposèrent dans le procès, Jacques de Villefranche, laquais du marquis de Force, âgé de dix-huit ans, déclara qu’il se souvenait que deux ou trois fois le sieur de Sourdeval l’avait envoyé à Saint-Mandé pour toucher de l’argent et qu’il l’adressait à un abbé de Préau, à qui il portait un billet ; ledit abbé le menait soit à Latréaumont soit à M. de Rohan, dont il recevait un ou deux louis d’or, il ajouta que, lorsqu’il était sorti du service de M. de Sourdeval, il ne fut pas payé ni de ses journées, ni de ses gages et se vit obligé de mettre son justaucorps en gage chez un gargotier qui lui donnait à manger, rue des Bons-Enfans.