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calculées permettent la détermination du temps. A tel usage seuls les fils d’araignées présentent tous les avantages que recherche l’observateur du ciel. L’idée de donner un emploi industriel à la soie des araignées s’est souvent reproduite. On était en 1710 ; M. Bon, premier président de la Chambre des comptes de Montpellier, prenait des peines infinies pour recueillir et utiliser la soie de nos petites araignées d’Europe ; il avait réussi à en faire fabriquer des bas et des mitaines. Ces objets furent adressés à notre Académie des sciences. Réaumur, chargé du rapport, déclare que « l’Académie l’a vu avec le plaisir que lui donnent les choses curieuses, mais l’attention particulière qu’a cette compagnie à ce qui regarde le bien public ne lui permet pas d’en rester là. » Le savant se préoccupe tout d’abord de savoir s’il ne sera pas trop malaisé de réunir quantité d’araignées et de les nourrir en captivité. Il songe ensuite à reconnaître si la matière textile mérité qu’on en recommande l’emploi. À ces propositions Réaumur ne voit que difficultés. Il estime que « toutes les mouches du royaume suffiraient à peine à nourrir assez d’araignées pour faire une quantité de soie peu considérable ; » restait, il est vrai, la ressource d’une infinité d’insectes dont s’accommodent les habiles fileuses. L’illustre naturaliste constate l’impossibilité de tenir captives les araignées, qui se dévorent entre elles, et l’embarras de garder chaque individu en cellule. Il en vient à croire que la soie des cocons de l’araignée des jardins pourrait seule être utilisée, mais la quantité qu’on en obtiendrait serait insignifiante. Réaumur compte, en effet, qu’il faudrait 663,552 araignées pour fournir une livre de soie. Appréciant avec éloge les soins de M. Bon, l’Académie ne jugea pas qu’on dût profiter de la découverte.

De temps à autre, des essais du même genre ont été renouvelés sans meilleur résultat. Parfois, on s’efforça d’éveiller l’intérêt sur la matière plus belle et plus abondante que produisent les grandes espèces des contrées tropicales ; les voyageurs n’en ayant jamais rapporté que des échantillons, il n’y avait rien à tenter en fait d’opérations industrielles. La soie des araignées est bientôt salie par la poussière ; des amateurs errant à travers les savanes des pays chauds, trouvèrent aisément le moyen d’en obtenir d’une parfaite pureté. Les fileuses ont toujours un fil qui s’échappe de leurs filières. On saisit ce brin et on l’enroule autour d’une carte ou d’un morceau de bois. De la sorte, on réussit à se procurer une quantité très notable d’une soie exquise par sa finesse, par son lustre, par sa couleur d’un jaune brillant. Le sujet, rendu à la liberté, ne paraît pas souffrir de l’épreuve, et son économie répare vite sans doute la perte qu’elle a subie. En traitant de la même façon un