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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/470

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magnifiques, pour le carnaval, quelque nouvelle pompe du genre galant. Molière, pressé par le temps, n’écrit que le premier acte, la première scène du second, la première du troisième ; il trace le scénario du reste et prie Corneille d’en trouver les vers, tandis que les paroles à chanter sont demandées à Quinault et la musique à Lulli : dans tout ceci, rien n’a d’importance, sinon que « Sa Majesté soit servie dans le temps qu’elle l’a ordonné. » Elle l’est, en effet. On admire, dans la « salle des machines, » construite exprès aux Tuileries, « la magnificence des décorations, le nombre des changemens, l’excellence des concerts. » Six mois après, Psyché est représentée sur la scène du Palais-Royal, à peu près avec « même éclat, mêmes agrémens. » Qu’on nous la rende ainsi ornée, aujourd’hui que nous connaissons l’opéra, il est à craindre, selon la remarque de Voltaire, « que si la tragédie est belle et intéressante, les entr’actes de musique en deviennent froids ; et que, si les intermèdes sont brillans, l’oreille ait peine à revenir tout d’un coup du charme de la musique à la simple déclamation. » Avec de tels risques, la Comédie-Française va-t-elle se mettre en frais extraordinaires pour nous restituer cet appareil ? Verrons-nous, comme le naïf Robinet,


Les mers, les jardins, les déserts,
Les palais, les deux, les enfers,
Les mêmes dieux, mêmes déesses…
Verrons-nous aussi tous les vols,

Les aériens caracola ? ..


Verrons-nous se succéder les lieux champêtres, les riches vestibules, les arcs de triomphe, les berceaux de verdure « superbes et charmans ? » Verrons-nous « le palais de Jupiter descendre et laisser voir dans l’éloignement, par trois suites de perspectives, les autres palais des dieux du ciel les plus puissans ? » Vénus et les Grâces, du haut du ciel, viendront-elles dans des conques ? L’Amour partira-t-il « du bord du théâtre, et, après avoir fait un tour en volant, se perdra-t-il » dans les frises ? Zéphire suivra-t-il la même voie ? Trois cents divinités paraîtront-elles sur des nuages ? Psyché, seulement, passera-t-elle dans une barque ; et précédant des polichinelles et des matassins, deux satyres enlèveront-ils « Silène de dessus son âne, » qui leur servira pour « voltiger et former des jeux agréables et surprenans ? » Mais non, nous ne verrons rien de tout cela ; nous verrons Psyché désarmée de ses machines, défleurie de ses gentillesses. Nous verrons quelque architecture dans le goût de ces palais qu’on prête maintenant, pour les tragédies, à Pyrrhus et à Thésée ; nous verrons des costumes à l’avenant : le tout, d’après les données d’une archéologie de théâtre,