tiens du sage dans sa prison, nous entendrions ce même problème posé et deux solutions indiquées, l’une toute mécanique, l’autre psychologique. Socrate, en effet, disait que les partisans du mécanisme universel, si on leur demandait pourquoi il était assis dans sa prison, prêt à boire la ciguë, ne manqueraient pas de répondre : — C’est que les muscles de Socrate, agissant de telle manière sur ses os et sur ses membres, aboutissent à telle et telle situation de son corps. — Et Socrate ajoutait : — La vraie raison, c’est que j’aime mieux mourir que vivre infâme et parjure.
Nos savans d’aujourd’hui, s’ils n’étaient retenus par quelque respect, ne manqueraient pas de comparer ici Socrate à la grenouille-philosophe de M. Huxley et de dire ; — La cause que vous invoquez n’en est pas une. Vous êtes victimes d’une illusion quand vous croyez accomplir un mouvement sous l’influence d’une idée, d’un sentiment, d’une volition : vous prenez le reflet du mécanisme pour le ressort. Illusion naturelle et universelle, nous en convenons. Nous croyons tous, par exemple, choisir nos mets par anticipation du plaisir ; nous nous imaginons que le sentiment de satisfaction ou de dégoût sert à régler notre choix ; nous croyons que toutes nos actions volontaires sont aussi causées par quelque désir. Mais le désir et l’aversion, le plaisir et la peine, sont les simples indices psychologiques de mouvemens corporels qui ont seuls l’efficacité. Si donc vous demandez : — Mon sentiment de faim ou de soif a-t-il quelque part dans mes mouvemens pour manger ou pour boire ? Le sentiment de l’honneur et du devoir avait-il quelque part dans le mouvement de Socrate pour saisir la coupe et boire la ciguë, ou ce résultat aurait-il eu lieu, quand même il n’aurait existé aucun sentiment de ce genre ? M. Spencer répondra par l’affirmative, avec M. Huxley et M. Maudsley. Les faits de conscience sont des « aspects subjectifs et accessoires » de l’automate vivant. Supprimez le plaisir, la douleur, la pensée, le désir, et le mécanisme de la vie se développera de la même manière, par l’effet des forces purement naturelles ; l’animal-machine et l’homme-machine fonctionneront avec la même précision mathématique ; seulement on pourra dire d’eux avec raison ce que Malebranche disait à tort de son chien : « Cela ne sent pas. » Nous, nous sentons (comme le chien de Malebranche, d’ailleurs), et nous pensons même ; qu’en faut-il conclure, sinon que nous sommes des « automates consciens ? » Ainsi, dans cette théorie, la conscience est le paralytique et le corps est l’aveugle ; seulement l’aveugle marche comme s’il y voyait clair et le paralytique a beau y voir, il ne conduit point l’aveugle.
Le grand moyen d’argumentation que nos savans emploient pour soutenir leur thèse est, nous l’avons vu, le recours aux actions