Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nomène reste dans l’inconscience, tantôt il apparaît dans le champ de la conscience. Changera-t-il pour cela de nature ? — Pas le moins du monde. La seule différence, c’est que, dans l’inconscience, le côté subjectif manque, ce côté dont les psychologues font tant de cas, mais la nature et le développement du phénomène sont les mêmes. » La conscience, conclut M. Sergi, n’est que la « phase finale, » la terminaison d’une série de phénomènes physiques, comme la coloration violette est le « terme des phénomènes chimiques produits dans le chlorure d’argent par son exposition à la lumière. » Le fait mental, « qu’il soit complété dans sa propriété subjective par la conscience ou qu’il reste dans l’inconscience (auquel cas il n’est pas révélé et demeure comme tel incomplet) est cependant identique dans tous les élémens de son processus, lesquels sont de caractère physique; voilà pourquoi j’ai affirmé que le phénomène mental dérive d’élémens physiques, et il en est ainsi[1]. » M. Sergi, on le voit, est d’une assurance admirable, et pourtant son argumentation est une série de paralogismes et d’analogies vicieuses. Comment un phénomène absolument « identique » dans tous ses « élémens, » dans sa « nature » et dans son « développement, » peut-il cependant être tantôt accompagné de conscience, tantôt sans conscience ? De deux choses l’une. Ou la conscience est l’effet et la résultante des élémens physiques, comme vous l’affirmez, et alors il est impossible de soutenir que les mêmes causes physiques tantôt ont pour résultat la conscience, tantôt ne la produisent pas ; autant dire que deux et deux tantôt font quatre et tantôt ne font pas quatre, que le chlorure d’argent tantôt noircit et tantôt ne noircit pas à la lumière. Ou la conscience n’est pas un effet du physique, mais un phénomène d’un tout autre ordre et vraiment « surajouté ; » n’affirmez pas alors qu’elle dérive d’élémens physiques et ne dites pas d’un ton dogmatique : « Il en est ainsi : Cosi è. » De plus, ici encore, expliquez pourquoi l’accompagnement de la conscience tantôt existe, tantôt n’existe pas, et d’où vient cet accompagnement si instable ? Toute votre théorie n’est qu’une suite de contradictions ou de mystères. Quand la conscience existe, il y a, outre les conditions des phénomènes inconsciens, une condition de plus, quelle qu’elle soit, à moins que l’état de conscience n’ait le privilège d’être sans cause, même sans cause purement physique. Jusque dans une simple lanterne magique, si le singe de la fable oublie d’éclairer la lanterne, les conditions de l’obscurité auront besoin d’être modifiées par une condition nouvelle pour produire l’éclairage. Mon cerveau n’est donc pas dans le même état quand

  1. La Genèse des phénomènes psychiques, page 127.