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de me trouver aujourd’hui en présence de Votre Majesté pour lui exprimer les sentimens d’amitié que la France professe envers elle. Quand de Tripoli, où je me trouvais précédemment, j’ai été désigné pour venir représenter mon pays au Maroc, le président de la république et le ministre des affaires étrangères m’ont chargé d’exprimer à Votre Majesté leurs sentimens d’amitié. Ces sentimens existaient déjà dans mon cœur pour votre auguste personne, que j’avais eu l’honneur de voir et d’entretenir, et dont j’avais gardé le plus précieux souvenir. Depuis quarante ans que je vis au milieu du peuple arabe, j’ai pu apprécier son caractère et j’ai appris à l’aimer. Je connais, comme Votre Majesté, quelles sont les prescriptions de Dieu au sujet des devoirs réciproques qui doivent être observés entre voisins. Votre empire et la France ayant des frontières communes, nous nous conformerons aux volontés divines en nous efforçant de vivre en bonne intelligence pour la prospérité des deux provinces. Depuis le moment où j’ai mis le pied sur le sol marocain, à mon débarquement à Tanger, et sur tout le parcours que j’ai suivi jusqu’à Fès, j’ai trouvé l’accueil le plus chaleureux, tant de la part des fonctionnaires représentant Votre Majesté, que de la part de ses propres sujets; mais ce qui m’a le plus frappé, c’est la réception qui m’a été faite à mon entrée dans cette capitale : les honneurs qui m’ont été rendus et l’empressement avec lequel la population s’est portée à ma rencontre, me laisseront un long souvenir. Aussi me suis-je hâté d’en informer mon gouvernement, qui sera aussi heureux que moi de la sympathie témoignée à son représentant. Au nom de la France et en mon nom, je fais des vœux pour que Dieu accorde à Votre Majesté une longue existence, la maintienne heureuse sur le trône des chérifs, et pour que la bénédiction céleste soit sur les habitans de cette ville, qui, grands et petits, m’ont donné, à votre exemple, tant de marques d’amitié. Je prends Dieu à témoin de la sincérité de mes paroles, de la pureté de mon cœur, de la loyauté de mes actes, qui tendront sans cesse à développer et à resserrer les liens d’amitié existant entre nos deux gouvernemens. Votre Majesté peut être certaine qu’elle trouvera en moi un ami dont le concours lui sera toujours assuré. Encore une fois, que Dieu bénisse le sultan et prolonge ses jours !


A mesure que M. Féraud parlait, je surveillais, sur le visage du sultan, les impressions de son âme. D’abord, l’air grave et impassible, il écoutait sans sourciller; sa figure a commencé à s’éclairer au passage concernant les devoirs que Dieu impose aux peuples voisins. Cet appel adressé aux théories religieuses de l’islam le frappait. A partir de ce moment, il n’a plus cessé de sourire avec bonne humeur, satisfaction et bienveillance, et lorsque M. Féraud