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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/609

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Hans Sachs, Fischart, le Rabelais allemand, Sébastien Brand : au XVIIe, la décadence littéraire correspond à la dépression des forces nationales. Le naturel allemand ne se retrouve que dans les brutales peintures de la Vie du soldat de Moscherosch, les poésies de Logau, les satires patoises de Lauremberg, les grossières prédications du moine Abraham à Sancta Clara, surtout dans le Simplicissimus de Grimmelshausen, roman qui peint les mœurs de la guerre de Trente ans, et où les scènes de bestialité la plus atroce sont racontées par un témoin. Après la paix, l’Allemagne, pour sortir de la barbarie où elle est plongée, achèvera de se mettre à notre école; en même temps que nos modes, nos classiques vont régner de l’autre côté du Rhin pendant une centaine d’années, période de sécheresse que l’on désigne sous le nom de « siècle allemand-français. » Comme le malade après un long délire, les Allemands ont oublié leurs traditions. La belle langue de Luther, encore si voisine du peuple, s’est perdue; on écrit en un style bizarre, mélange de welche et de dialectes germaniques: « Les Français, dit le poète Lauremberg, ont coupé le nez à la langue allemande et lui en ont collé un autre qui ne va pas avec les oreilles allemandes. » Et, selon l’expression d’un autre satirique, Logau, les auteurs allemands « vivent des balayures des autres peuples. » Sous cette imitation servile perce la grossièreté originelle; les drames ou les poésies d’un Lohenstein, d’un Hoffmanswaldau sont dignes d’un hôtel de Rambouillet, mais transporté dans un mauvais lieu.

Tandis que cette littérature reflète les mœurs et les goûts des cours, un premier mouvement de renaissance religieuse se produit dans les cercles bourgeois. Le fondateur du piétisme, l’Alsacien Spener (1635-1705), donne à ce besoin général de religiosité l’expression ardemment cherchée. Les piétistes n’ont pas joué en Allemagne le rôle politique des puritains et des jansénistes, il n’ont aucun nom à mettre au rang d’un Milton ou d’un Pascal; pourtant ils ont exercé sur ces années d’apparente somnolence, de 1680 à 1740, une influence profonde. Le sentiment piétiste a retrempé les âmes dans la mélancolie, préparé le lyrisme en développant la vie intérieure. On en retrouve des traces dans les effusions tendres, nuageuses, élégiaques de Klopstock comme dans la rigidité de la morale de Kant. Il y a infiltration de piétisme jusque dans ce penchant de Werther à la rêverie, au retour sur soi-même; mais parce qu’il ne cherche plus uniquement un Dieu au fond de son cœur, Werther n’y trouve qu’orage, tristesse, inquiétude, ennui.

Au réveil du sentiment religieux se rattache l’essor de l’esprit philosophique. Si opposés qu’ils semblent, ces deux mouvemens répondent à des aspirations analogues, au désir de rompre avec une théologie vide et une scolastique morte. Aussi voit-on paraître simultanément