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a plus de propreté et de soin curieux du logis qu’en Bretagne. La femme de l’ouvrier rural s’y montre une incomparable raccommodeuse. Elle ne tire pas un meilleur parti d’un plat qu’elle prépare avec économie que d’un vêtement de travail à l’usage de son mari ou de ses fils, auquel elle excelle à procurer une longévité sans terme assignable. Il est rare qu’elle-même soit tout à fait mal mise; elle fuit les haillons, les vêtemens sordides; sauf chez celles qui sont dans une situation tout à fait misérable, il semble que le niveau d’élégance, observé dans cette province aux traditions distinguées maintenues par un passé aristocratique, empêche la négligence d’atteindre à ce point où le soin de la personne et le souci de plaire disparaissent entièrement.

Si je ne craignais de me répéter, je dirais qu’en somme le principal reproche qu’on peut adresser à cette classe rurale du pays tourangeau, c’est un peu de médiocrité, des sentimens moins profonds que les manières ne sont avenantes, ce manque de chaleur morale qu’on ne pardonne jusqu’à un certain point que lorsque le sérieux et la solidité du fond attestent du moins la trempe ferme des affections et des caractères. Le paysan tourangeau n’est pas étranger à ces qualités et il serait injuste de les lui refuser toujours, mais on peut reconnaître qu’elles ne sont ni très générales ni très souvent portées à un degré fort élevé. Il reste en tout en-deçà plus qu’il ne va au-delà, et l’état même de la criminalité ne dément pas cette sorte de moyenne : il en montre le niveau, non pas extrêmement haut, mais peut-être moins réduit que dans d’autres provinces, et il établit entre les genres de crimes mêmes une espèce d’équilibre. Je me hâte d’ajouter que beaucoup, la plupart même de ces crimes, mis au compte du département, sont imputables aux villes, si on a égard au chiffre respectif de la population, — et que beaucoup le sont aux étrangers résidons. La Touraine offre un des exemples les plus accrédités des efforts faits pour moraliser l’enfance et la jeunesse qui ont failli et qui inspirent des craintes pour leur avenir et la sécurité sociale. En visitant la colonie de Mettray, à la fois agricole et pénitentiaire, nous avons rendu hommage une fois de plus à la philanthropie éclairée de ses fondateurs et de ses directeurs, et pu faire justice de reproches peu fondés en constatant les excellons résultats obtenus. La discipline morale et matérielle à laquelle est soumise cette jeunesse plutôt égarée en général que dépravée n’est pas la négation de la famille. Il faut bien se dire que la famille est nulle ou presque nulle comme direction pour ces enfans et même qu’elle est trop souvent corruptrice. Cette éducation habitue et façonne à la règle des natures facilement entraînées au vagabondage, et au mal par suite des mauvais instincts qu’il développe. Elle met, dans une véritable ferme-école, un métier aux mains de jeunes gens, qui, grâce à cet