Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comprend en Touraine un vingtième, la moyenne six vingtièmes et la petite à elle seule treize vingtièmes des terres. La dénomination de grandes propriétés est attribuée à des domaines d’une vaste étendue, fort au-dessus de ce qui forme la moyenne jugée nécessaire pour recevoir cette qualification. Cette propriété porte le nom de « grande » dans certains départemens avec 50 hectares : il en faut plus de 100 pour mériter ce nom dans le département d’Indre-et-Loire, où on trouve en assez grand nombre des domaines de 300 hectares et au-dessus ; il en est même plusieurs qui atteignent à 500. La moyenne propriété commence à partir de 100 à 120 pour s’arrêter à une trentaine, et la petite va de 20 à 30, puis vient ensuite la propriété parcellaire. C’est en établissant le calcul sur ces bases qu’on trouve les proportions relatives ainsi déterminées : une grande propriété pour 60 moyennes et 200 petites.

Chacun de ces genres de propriétés prête au surplus à des observations très caractéristiques. On ne saurait assimiler le grand propriétaire tourangeau à celui de la Bretagne et de quelques autres provinces voisines. Nous remarquions que la Touraine a conservé sa force d’attraction sur les riches habitans des villes et spécialement sur les Parisiens, qui y acquièrent volontiers des domaines. Le château, sans être celui d’autrefois, avec son luxe seigneurial ou princier, y garde une place plus grande que dans la plupart des autres provinces et y conserve une sorte d’aristocratique distinction, La minorité seule de ces propriétaires châtelains s’occupe directement de l’exploitation, mais on en rencontre un certain nombre qui consacrent une partie de l’année au soin de leur domaine et qui contribuent par là à augmenter leur propre revenu; ils exercent une action profitable au pays environnant. Quelques-uns de ces modernes châtelains ont, en revanche, sous l’empire des souvenirs de l’époque des Valois, montré une préoccupation trop exclusive pour les embellissemens, pour les restaurations ou les imitations du passé ; quelques-uns mêmes s’y sont ruinés. Peut-être aurait-on voulu de la part de la grande propriété, durant la période prospère, plus d’initiative, plus d’encouragemens aux fermiers, plus de perfectionnemens donnés à la culture. La moyenne propriété, de son côté, à défaut des aspirations ambitieuses, aime le confortable. Pourtant, si assez ordinairement le moyen propriétaire sacrifie à ses aises, il néglige rarement ses intérêts. Le type le plus original est certainement offert par le petit propriétaire tourangeau, surtout par le vigneron parcellaire. La culture très morcelée de la vigne influe extrêmement sur son sort. La petite ferme du vigneron parcellaire présente fréquemment, d’une année à l’autre, le spectacle de l’aisance ou celui de la gêne. La nourriture, la boisson, l’humeur