et leurs faiblesses. La dureté avec laquelle il a traité l’haruspicine et la magie prouve qu’il en avait grand’peur. Il croyait aux incantations et aux maléfices. Quand il frappa de peines très sévères ceux qu’on accusait de jeter des sorts ou de distribuer des philtres amoureux, il eut grand soin d’excepter les gens qui se servent des charmes pour rendre la santé aux malades et pour éloigner les pluies ou la grêle : il les regardait sans doute comme des bienfaiteurs de l’humanité. En 321, neuf ans après la défaite de Maxence, il fit une loi pour ordonner que, quand la foudre tomberait sur un monument public, on fît venir l’haruspice, on le consultât d’après les anciens usages et l’on apportât sa réponse à l’empereur. Cette loi cause à Baronius la plus grande surprise, il ne peut l’expliquer qu’en supposant que Constantin a cessé tout d’un coup d’être chrétien et qu’il est retourné à son ancienne religion. Assurément, Baronius se trompe ; Constantin, après sa conversion, n’est jamais redevenu païen, on peut l’affirmer ; mais, converti ou non, il est toujours resté superstitieux.
Il me semble d’ailleurs que, dans l’hypothèse de Burckhardt, et avec la façon dont il comprend le caractère de Constantin, il devient très difficile d’expliquer sa conversion. Admettons, en effet, que le portrait qu’on nous trace de lui soit ressemblant, et voyons quelles en seront les conséquences. Il est clair que, s’il n’était en réalité qu’un politique et un homme d’état, c’est-à-dire un indifférent, nous ne pouvons plus ajouter aucune foi au récit de Lactance et d’Eusèbe. Un homme d’état n’apprécie un culte que par les services qu’il peut lui rendre ; un politique ne change de religion que parce qu’il suppose que ce changement sera utile à ses affaires. Il faut donc nous garder de croire que la conversion de Constantin ait été déterminée par des voix intérieures ou des apparitions miraculeuses ; elle ne peut être que l’effet d’un calcul : il a voulu gagner à sa cause un parti puissant ; il a fait uniquement ce qu’il avait intérêt à faire.
Mais ici une question fort embarrassante se pose. Quel intérêt pouvait avoir Constantin à se faire chrétien en ce moment ? Voilà ce qu’il est fort malaisé de découvrir. Les chrétiens sortaient d’une crise terrible dont ils avaient à peine en le temps de se remettre. Sans doute la résistance courageuse qu’ils venaient d’opposer à la persécution les avait grandis dans l’opinion publique. On devait éprouver une sorte d’admiration pour des gens contre lesquels s’était brisé tout l’effort de l’empire. Cependant ils étaient encore trop inquiets, trop défians de l’avenir, trop soucieux de ne pas se compromettre pour qu’on pût croire qu’ils se jetteraient de grand cœur dans des aventures incertaines. D’ailleurs, ils ne s’étaient