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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/720

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présenter le jeune Alphonse XIII à l’église d’Atocha, a été accompagnée des témoignages les plus sympathiques et les plus spontanés de la population de Madrid. Les cortès élues il y a quelque temps sous les auspices du premier ministère de la nouvelle régence se sont réunies ; les plus larges, les plus libres discussions se sont engagées à l’occasion du message à la reine, à propos de la liste civile du nouveau règne, et ces discussions du sénat, du congrès, ne font que démontrer, une fois de plus, l’immense besoin d’ordre et de paix qui règne au-delà des Pyrénées, l’ascendant que garde toujours la monarchie, fût-elle représentée par un roi enfant et par une femme.

Ce n’est point que ces récens débats du parlement de Madrid, où tous les partis ont dit leur mot, où les questions les plus diverses et les plus délicates ont été agitées, aient toujours été des plus calmes; ils ont été, au contraire, assez passionnés, même parfois violens. Tels qu’ils ont été, ils ont eu, en définitive, l’avantage de préciser la situation et ils ont été marqués par quelques incidens caractéristiques. Le plus significatif de ces incidens est la réapparition bruyante, turbulente des républicains, qui ont voulu essayer leurs forces dans le parlement et qui n’ont fait que prouver leur faiblesse. Quand il s’agit des républicains espagnols, il faut toujours assurément excepter M. Castelar, qui, en avouant ses opinions, n’est point homme à se perdre dans les banalités grossières. M. Castelar est un républicain de l’idéal comme Lamartine. Il a su, dans un discours animé d’un souffle généreux, parler avec courtoisie du roi Alphonse, de la reine, — avec une habile mesure des institutions; il a tout couvert du prestige de son éloquence. Les autres républicains, révolutionnaires ou sectaires, comme M. Salmeron, M. Pi y Margall, n’ont trouvé rien de mieux que de se mettre du premier coup en dehors de la constitution et des lois, de refuser le serment, de s’élever avec une vulgaire brutalité contre la liste civile, de faire des appels à l’insurrection. Ils ont cru être bien habiles; ils ont tout simplement réussi à montrer encore une fois qu’ils ne sont qu’une petite minorité agitatrice dans le pays comme dans le parlement, à raviver les dangereux souvenirs de leur passage au pouvoir, d’un temps où l’Espagne a failli s’effondrer dans une dissolution sanglante, à la lueur des incendies, et n’a été sauvée de la plus effroyable crise que par l’avènement du roi Alphonse. Que les républicains, avec leurs excitations et leurs menées conspiratrices, puissent encore créer des dangers, qu’ils aient cru voir une occasion favorable dans une minorité et dans la régence d’une femme, c’est possible; ils ont cependant mal choisi leur moment; les derniers débats des chambres, les déclarations des chefs de partis prouvent que si républicains ou carlistes cherchaient à troubler le pays, ils trouveraient devant eux un ensemble de forces prêtes à défendre