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LA PEUR


ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE.


I.

Nous avons essayé, il y a quelques années, de faire l’étude physiologique et psychologique de la douleur[1]. Puis, ici même[2], nous avons tenté d’analyser les formes et les causes du dégoût. Nous voudrions faire aujourd’hui, de la même manière et au même point de vue, l’histoire de la peur. Douleur, dégoût et peur, les trois sentimens sont très voisins. Ils représentent l’ensemble des émotions répulsives.

En effet, ni l’homme ni l’animal ne sont indifférens vis-à-vis des choses de la nature. Ils ont pour les objets et les êtres des sentimens qui, pour être très complexes et très variables, peuvent néanmoins, en fin de compte, se ramener à deux émotions primitives tout à fait simples, l’amour ou la haine : l’attraction ou la répulsion. La douleur, le dégoût, la peur, sont les trois formes de la répulsion.

Cette répulsion peut être morale ou physique. C’est même un fait bien curieux qu’à des émotions, tout à fait physiques, matérielles pour ainsi dire, se soient, grâce au langage, complètement assimilées des émotions morales. La perte d’un ami est une douleur au même titre qu’une brûlure ; une lâche trahison excite le dégoût ainsi que

  1. Revue philosophique, 1877, t. iv, p. 457.
  2. Revue des Deux Mondes, 1877, t. xxii, p. 644.