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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/841

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attachement vicieux,.. pourquoi ce reste de commerce? Pourquoi cette dangereuse complaisance, reste malheureux d’une flamme mal éteinte? Que je crains que le péché soit vivant encore, et que vous n’ayez pris pour sa mort un assoupissement de quelques journées. » Il en connaît les terribles jalousies : «Je laisse aux peintres et aux poètes de représenter à vos yeux les horreurs de la jalousie, le venin de ce serpent, et les cent yeux de ce monstre : il me suffit de vous dire que c’est une complication des passions les plus furieuses. C’est là qu’un amour outragé pousse la douleur jusqu’au désespoir et la haine jusqu’à la fureur. » Il en connaît le déchirement et les blessures lorsqu’on veut arracher à ce cœur ce qui lui est si cher : « La douleur pousse des plaintes, la colère éclate en injures, l’indignation en menaces; le désespoir va jusqu’au blasphème... Tu te sens comme déchiré... Le sang sort abondamment par cette plaie. Donnez-moi ce couteau que je le porte jusqu’à la racine, que j’aille chercher au fond jusqu’aux moindres fibres de ces inclinations corrompues. » Il en connaît enfin l’entraînement fatal qui d’un regard innocent conduit jusqu’au crime; et dans un dialogue précipité d’une hardiesse incroyable, il s’écrie : « Ce ne sera qu’un regard, tout au plus qu’une complaisance et un agrément innocent. Prenez garde ; le serpent s’avance ; vous le laissez faire ; il va mordre. Un feu passe de veine en veine. Il faut l’avoir ; il faut la gagner. C’est un adultère. Qu’importe ! Eh bien ! je la possède ; est-ce pas assez? Il faut la posséder sans trouble. Elle a un mari : qu’il meure ! Vous ne pouvez le faire tout seul ; engageons d’autres dans le crime. »

A l’amour sensuel Bossuet oppose non pas l’amour pur et honnête, l’amour permis (car il semble qu’il n’y en ait point de tel), mais la chasteté et la virginité. La virginité est la vertu des cloîtres : la chasteté est ou devrait être la vertu du monde : « Protectrice de la sainteté du mariage, dépositaire de la pureté du sang des races, » elle est essentiellement, en effet, une vertu aristocratique. Mais comment la conserver, cette vertu nécessaire? « l’un des sexes en a honte ; et celui auquel il semblerait qu’elle serait échue en partage est plus occupé de la perdre chez les autres que de la conserver. » Bossuet ne fait même pas grâce aux beautés fières et superbes qui ne résistent que par orgueil : « Leur chasteté n’est qu’orgueil, qu’affectation ou grimace. Elles craignent plutôt d’abaisser leur gloire que de souiller leur vertu. Ce n’est pas leur honnêteté qu’elles veulent conserver, mais leurs avantages. Si elles aimaient la vertu, se plairaient-elles tant à faire naître des désirs qui lui sont contraires ? » Elles veulent un empire : « Ah ! quel malheureux empire !.. Pour elles, on se croit tout permis ! Et le monde, tant il