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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/878

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les plus célèbres qui l’habitaient, notamment sur les peintres si nombreux alors, que de là « on voyait se disperser des maîtres et ouvriers parfaits » par toute l’Europe « et jusqu’en Moscovie. »

Les peintres flamands étaient, en effet, depuis longtemps renommés et jouissaient d’une grande réputation même en Italie. Bien qu’il n’eût qu’une médiocre estime pour l’art du Nord et surtout pour son architecture, qu’il trouve « pleine de désordre et de confusion, » Vasari ne put se dispenser de leur faire une place dans la seconde édition de ses Vies des Peintres (1568). Les renseignemens assez sommaires et assez erronés qu’il nous donne sur leur compte, il les avait empruntés en partie à la relation de Guichardin, en partie aussi aux notes qu’un lettré de Bruges lui avait communiquées sur les artistes de son pays. Dominique Lampsonius, ce correspondant de Vasari, quoiqu’il exerçât les fonctions de secrétaire des princes-évêques de Liège, avait conservé un goût très vif pour la peinture, à laquelle il s’était livré pendant sa jeunesse. C’était un admirateur enthousiaste des van Eyck et de Rogier van der Weyden et l’on rapporte qu’occupé à rédiger des traités diplomatiques dans une des salles de l’hôtel de ville de Bruxelles où se trouvaient exposées des œuvres de ce dernier artiste, il s’interrompait parfois dans son travail pour s’écrier : « O Rogier, quel maître tu étais! » Lampsonius faisait aussi des vers, et il avait composé pour un recueil contenant vingt-trois portraits des peintres flamands les plus célèbres, gravés par Jean Wieriex, de courtes notices en vers latins dans lesquelles il s’était appliqué à caractériser de son mieux le talent de chacun d’eux. Mais ces devises ne sauraient constituer, on le comprend, un répertoire d’informations bien précises, ni bien détaillées ; suivant la mode du temps, l’auteur y cède un peu trop souvent à la tentation de faire paraître son habileté de versificateur et l’ingéniosité raffinée de son esprit[1].

Bien qu’elles fussent également rédigées en vers, les notions qu’un contemporain de Lampsonius, Lucas de Heere, avait consacrées aux peintres flamands contenaient sans doute sur eux des renseignemens un peu plus abondans, à en juger du moins, d’après ceux que contient touchant les van Eyck son poème de l’Adoration de l’Agneau, qui nous a été conservé. Malheureusement, le manuscrit de Lucas de Heere n’a pas été publié[2], et van Mander, qui, nous

  1. Ce recueil, intitulé : Elogia in effigies pictorum celebrium Germaniœ inferioris, fut publié en 1572, à Anvers, par la veuve de l’éditeur Jérôme Cock, après la mort de celui-ci. Plus tard, le graveur Henri Hondius fit paraître un autre recueil plus complet (Amstelodami, J. Jansson, 1618), où d’autres portraits furent ajoutés à ceux de cette première publication, mais dont les gravures sont loin d’avoir la même valeur.
  2. Suivant M. Hymans, ce manuscrit fut, en 1824, retiré d’une vente faite à Gand, et dans laquelle il devait figurer; on n’a pu depuis en retrouver la trace.