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d’azote, par exemple, sous la forme d’une boule garnie de trois crochets à chacun desquels se suspend une autre petite bille également crochue, figurant l’un des trois hydrogènes, et ainsi de suite. En fait d’amarrage, mieux vaut une chaîne solide que trois attaches faibles. Les quatre corps que nous venons de nommer sont précisément les chefs de file des quatre familles naturelles de Dumas, et tous les élémens qui font partie d’une même famille suivent l’exemple du type ; vis à vis de l’hydrogène, le brome se comporte comme le chlore, et le silicium joue le même rôle que le carbone. Mais on peut aller plus loin et remarquer que le chlore, le brome et l’iode, voire même le fluor, pour continuer notre comparaison grossière, mais juste, sont des atomes à un seul croc, absolument comme l’hydrogène, et, au point de vue de la « capacité de saturation, » jouent un rôle identique. L’expérience justifie cette conception : dans les chlorures de phosphore et de silicium, phosphore et silicium réunissent autour d’eux, le premier trois, le second quatre atomes de chlore, de même que l’hydrogène phosphore et l’hydrogène silicié résultent d’un atome soit de phosphore, soit de silicium, rivé à trois ou bien à quatre hydrogènes. Pour abréger le langage, les chimistes de l’école moderne conviennent de dire que la première matière simple est « trivalente, » et que la seconde est « quadrivalente. »

Puisque les membres d’un même groupe naturel de métalloïdes absorbent pour un atome isolé d’un corps donné le même nombre d’atomes d’hydrogène, de chlore, de brome, d’iode et de fluor, on est en droit d’en conclure que l’identité de « valence » ou pouvoir absorbant, par rapport à ces derniers corps, implique une parenté incontestable. Or beaucoup de substances élémentaires refusent d’entrer en conflit avec l’hydrogène, mais toutes, sauf une seule, qui est le fluor, acceptent de s’unir au chlore, et l’étude des composés chlorés peut fournir des renseignemens précieux pour une classification rationnelle. Par exemple, à défaut de l’hydrogène bore, qui n’a pas été préparé, étudions le chlorure de bore, et nous voilà conduits à écarter définitivement le bore lui-même du silicium et du carbone ; ceux-ci sont franchement quadrivalens et celui-là se contente de trois atomes de chlore. Ce fait prouve catégoriquement que les identités de capacités chimiques ne concordent pas toujours avec les analogies physiques, et nous verrons par la suite de ce travail que de telles anomalies ne sont rien moins que rares.

Passons aux métaux. Plusieurs d’entre eux se combinent au chlore atome pour atome ; tels sont le potassium, le sodium, plusieurs autres métaux en ium, dont l’analyse spectrale a révélé la présence dans certains minéraux d’où l’on a réussi à les extraire ensuite, et