Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peur et de stupidité tout à fait invraisemblables. Est-ce de la peur ? Cela est probable : en tout cas, c’est de l’inhibition, et on voit à quel point la peur et l’inhibition se confondent, puisque les excitations qui arrêtent les mouvemens sont celles-là mêmes qui, selon toute vraisemblance, produisent simultanément l’émotion frayeur.

Si je rappelle cette expérience célèbre de Kircher, c’est parce qu’elle a pris récemment une grande importance. On a montré que divers animaux peuvent être par une sorte de fascination rendus stupides et immobiles, et on a pensé que c’était là l’origine des phénomènes du somnambulisme. Le somnambulisme, ou l’hypnotisme des animaux, c’est cette inhibition que provoque un objet brillant, et ce n’est peut-être pas très loin de la peur.

Nous pouvons maintenant nous expliquer comment les réflexes de la peur sont de deux ordres. Il y a les réflexes de stimulation, qui donnent des forces, et les réflexes de paralysie, qui ôtent les forces.

En général, la peur très intense est plutôt paralysante ; au contraire, une peur modérée accroît nos forces. On sait que la colère développe avec une intensité extraordinaire les efforts musculaires. Cela est plus vrai encore pour la peur. Tel individu, qui fuit épouvanté, franchira des obstacles, murs, haies, fossés, dont, en son état normal, il eût été absolument incapable de triompher. De même, un homme en colère, avec une force qu’il ne se connaissait pas, brisera les liens qui l’attachent. À ce point de vue, l’amour est peut-être moins puissant que la peur, et si l’on pouvait imaginer une course entre deux individus de force égale, je crois que l’individu effrayé courrait plus vite que celui qui veut l’atteindre.


Nous n’en avons pas fini avec l’inhibition. En effet, les réflexes peuvent être modifiés par la volonté. Autrement dit, le cerveau et les centres nerveux supérieurs peuvent arrêter, diminuer et ralentir les actions réflexes.

Il semble qu’il y ait un antagonisme entre le cerveau et la moelle épinière qui produit les réflexes. Plus le cerveau est actif, moins les réflexes sont forts, et inversement. Voici une grenouille intacte dont les réflexes, quand on pince sa patte, ont une force, je suppose, de 50 grammes. Si nous lui enlevons le cerveau, ces réflexes, à conditions égales, auront une force double et pourront soulever un poids de 100 grammes.

Les réflexes sont donc d’autant plus rapides et plus intenses que le cerveau agit moins. Cela s’exprime en disant que le cerveau est un appareil d’inhibition pour la moelle épinière et pour les actions réflexes.

En réalité, l’observation de chaque jour et de chaque instant prouve