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fût encore à Brunswick pendant qu’on se « débattait » en Suisse. « Il y a bien ridiculement perdu son temps, ballotté par les gens qui l’accaparent. Il ne paraît pas soutenir l’idée d’un grand caractère qu’on lui donnait gratuitement... Au fond, il faut en revenir à l’aveu de Dumouriez qu’ils n’ont, l’un et l’autre, ni troupes ni argent. » Le 5 mai, « cette permanence de Pichegru » en Westphalie étonnait le roi. On dut enfin comprendre que le général entendait subordonner ses démarches au résultat de l’affaire Barras, de laquelle on aurait voulu le tenir éloigné. Il fallut se résigner à accepter sa collaboration sur ce terrain. Et, comme il persistait à ne pas écrire, on se résigna à prendre les devans. C’est à Saint-Priest qu’échut cette tâche. Il s’en acquitta le 11 mai.

« Je profite avec empressement, monsieur le général, de la circonstance qui se présente pour entrer en correspondance avec vous. Honoré comme je le suis de la confiance du roi, notre maître, pour ses affaires politiques, c’est un devoir agréable à remplir pour moi de vous assurer que tous les bons serviteurs de Sa Majesté verront avec satisfaction, lorsqu’il en sera temps, que vous en augmentez et illustrez le nombre. Je ne vous parlerai point de vos exploits, qui appartiennent à l’histoire; mais je vous louerai d’avoir donné dès longtemps le grand exemple d’un retour sincère à l’obéissance de notre légitime souverain.

« M. Fauche part pour vous rejoindre[1], muni de toutes les pièces que l’on désirait de nous. L’impossible d’accorder quelques points peu importans se trouve justifié par des motifs si palpables que nous ne pouvons avoir de l’inquiétude que le succès des négociations en soit arrêté. Elles sont remises en vos mains, monsieur le général, et c’est pour le roi un plan de confiance et pour nous un grand motif d’espérer. Nous nous attendons que le sieur Monnier ne tardera pas à revenir avec la lettre, qui doit être échangée contre les lettres patentes. Vous connaissez l’écriture et ne pouvez vous y méprendre.

« Si les circonstances exigeaient d’expédier quelqu’un à Paris et que votre choix tombât sur le sieur Louis Fauche, le roi vous autorise à l’employer à cet usage, à moins d’un danger imminent auquel le roi ne voudrait pas exposer un si fidèle serviteur. Vous en jugerez dans votre sagesse. »

Ainsi, par cette lettre, on confiait à Pichegru la direction de l’affaire

  1. Après avoir vu Pichegru à son débarquement à Cuxhaven et ensuite à Hambourg, Fauche-Borel était parti pour Mitau avec le marquis de La Maisonfort. Le roi, les ayant entendus l’un et l’autre, chargea ce dernier d’aller à Saint-Pétersbourg pour solliciter l’agrément du tsar à la négociation et donner l’ordre à Fauche-Borel de retourner à Hambourg pour y attendre la visite nouvelle de David Monnier.