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la politique anglaise, elle éclatait ailleurs en d’autres traits. Willot toujours impatient, toujours plein de feu, pressé de passer sur le continent, était retenu à Londres par les ajournemens indéfinis et réitérés qu’on opposait à ses requêtes, malgré les efforts du duc d’Harcourt, de Cazalès, de Dutheil, du comte d’Artois lui-même.

La discussion sur les termes de la proclamation des alliés, qui se poursuivait à Londres comme à Vienne, achevait de rendre évident ce mauvais vouloir du ministère britannique[1]. Le comte d’Artois, qui résidait à Edimbourg, était venu à Londres, au mois de juin, pour la suivre de plus près. Il se croyait sûr à ce moment de s’emparer de Lorient et de Saint-Malo. Dès la première conférence qu’il eut avec lord Grenville, il exposa le plan de l’expédition. On commença par lui promettre des secours en hommes et en argent. Mais, la promesse restant subordonnée à la possibilité de ce coup de main, dont les Anglais entendaient se faire juges, elle ne les engageait pas. Il leur suffisait pour se dérober à son exécution de contester cette possibilité. Ils se montrèrent donc prodigues d’assurances sur ce point.

Il n’en fut plus de même quand, les vues de la coalition étant mises sur le tapis, on arriva au manifeste des alliés et à la reconnaissance du roi, qui devait, dans l’opinion du comte d’Artois, en être la base. Ils protestèrent de la sincérité des intentions de leur souverain, de la conformité de ses opinions avec celles de l’empereur de Russie. Mais ils se déclarèrent impuissans à obtenir de l’Autriche la manifestation de sentimens analogues. A la faveur de cette impuissance, ils opposèrent un formel refus à la demande qui leur était faite de rédiger une proclamation satisfaisante pour Louis XVIII. C’est le principe même de la monarchie légitime que le comte d’Artois dut défendre contre eux.

Dans un rapport reçu à Mitau, le 16 juillet, nous trouvons le texte des propositions qu’ils soumirent à l’agrément du prince. Les voici : 1° la guerre a pour but de délivrer les Français du joug tyrannique sous lequel ils gémissent ; 2° les puissances n’ont aucun projet de démembrer le territoire de la France tel qu’il était avant la révolution; 3° les souverains coalisés considèrent la monarchie comme

  1. Le trait suivant est une preuve nouvelle des arrière-pensées de l’Angleterre. Au mois de septembre 1799, il fut question d’envoyer le comte d’Artois en Suisse, au quartier-général de l’armée russe. Wickham ayant fait part de ce projet aux membres de l’agence de Souabe, l’un d’eux, d’André, objecta que la présence de Louis XVIII serait d’un effet plus décisif que celle de son frère : « Sans doute, répliqua Wickham; mais si c’est le roi qui se trouve sur les lieux et s’il fait des promesses, s’il prend des engagemens, il faudra les tenir, tandis que, si c’est le comte d’Artois, on pourra les éluder. »