De quelque côté qu’on se tourne aujourd’hui dans notre France éprouvée, qu’on regarde dans tous les camps, dans tous les partis, surtout dans cette masse obscure du pays qui souffre en silence et ne se plaint qu’à la dernière extrémité, de toutes parts se dégage un même sentiment. On peut varier dans les discours ou se perdre dans les interprétations captieuses, on peut disserter et pérorer à perte de vue dans les banquets ou dans les journaux, au fond et au bout de tout on revient toujours, bon gré mal gré, au même point, on finit par se retrouver dans une impression unique, persistante.
On sent que les affaires de la France ne sont pas dans une bonne voie, qu’il n’y a de sûreté ni pour les intérêts moraux, ni pour les intérêts matériels, ni pour les croyances, ni pour le travail, que l’impuissance agitée est dans l’administration du pays et que l’incertitude envahit les esprits. On sent que les ressorts de la vie publique sont usés ou faussés, que les plus simples garanties se perdent, qu’il y a des chambres pour ne rien faire et un gouvernement pour ne rien diriger, que tout est livré aux mauvaises influences, aux plus médiocres calculs de parti, aux passions, aux convoitises vulgaires, et que nous vivons sous le règne d’une politique qui, en abusant de tout, épuise toutes les forces nationales. On le sent, on le voit aux résultats qui se manifestent partout en traits assez visibles, et, comme on ne vit pas indéfiniment dans le malaise, dans l’agitation stérile, comme la pire des choses est de s’abandonner, on en vient tout naturellement à se demander comment on pourrait sortir de là sans se jeter dans des révolutions nouvelles. On se met à chercher ce qu’il y aurait à faire pour pacifier une situation troublée et ramener à de meilleurs conseils