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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/245

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prix qu’à les maintenir pour les faire accepter peu à peu par l’épargne, à laquelle, en fin de compte, revient la mission de sanctionner les résultats obtenus par la spéculation.

Les événemens de Bulgarie n’allaient-ils pas singulièrement compliquer la tâche en faisant reculer plus ou moins vivement les cours considérés la veille comme solidement acquis et établis? Il faut avouer que les conjectures ont été rendues bien difficiles par la soudaineté des événemens et le tour imprévu qu’ils ont pris en quelques jours.

La spéculation ne saurait, sans quelque peine, se diriger au milieu de tant d’écueils; aussi n’est-il pas étonnant qu’elle se soit tenue toute cette semaine sur Une grande réserve, attendant que le développement des faits lui permette de voir un peu plus clair dans la mêlée des télégrammes confus et des appréciations contradictoires de la presse européenne.

Si l’on compare les cours de nos rentes au milieu et à la fin du mois, on voit que l’irruption de la politique extérieure, sur le terrain des préoccupations purement financières, n’a en réalité déterminé jusqu’ici qu’une bien faible réaction. Le 3 pour 100 perd 0 fr. 20 à 82.75, l’emprunt 0 fr. 07 à 82 17, l’amortissable 0 fr. 07 à 84.92, et le 4 1/2 pour 100 0 fr. 05 à 109.45.

De tels cours ne pourraient assurément se soutenir si la paix européenne était sérieusement menacée. Elle ne l’est point, ou du moins la conviction générale est que l’alliance des trois empires, définitivement rétablie, aura raison de tous les obstacles. Cette conviction seule peut expliquer le maintien du Hongrois à 86 1/2, de l’Italien à 100 fr., du 3 pour 100 à 82.75. Ce sont là des cours très élevés et que la spéculation ne saurait, sans commettre de graves imprudences, chercher à dépasser.

La Banque d’Angleterre a élevé le taux de son escompte de 2 1/2 à 3 1/2 pour 100. Cette mesure était prévue depuis quelques semaines. Elle résulte beaucoup moins d’un resserrement réel de l’argent sur les deux marchés de Londres et de Paris que de la situation particulière de la Banque d’Angleterre, dont le stock métallique a été réduit par des retraits d’or successifs. Il est donc peu probable que l’élévation de l’escompte à 3 1/2 pour 100 ait une influence quelconque sur le taux des reports en liquidation. Les capitaux chez nous sont toujours extrêmement abondans; on en peut trouver la preuve dans l’accumulation considérable et toujours croissante des disponibilités soit à la Banque de France, soit dans les caisses de nos principaux établissemens de crédit.

N’y a-t-il pas cependant quelques indices d’un commencement d’amélioration dans la situation commerciale et industrielle, et ne peut-on espérer que la crise si prolongée des affaires arrive enfin à son terme?