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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/299

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famille avait des obligations : son grand-père, premier ministre de Brandebourg, recevait 10,000 écus de pension de Louis XIII; son père, lors de l’invasion suédoise, avait sauvé ses terres par la protection du roi de France ; lui-même faisait élever à Angers son fils unique. Il était de l’école de Lobkowitz, le signataire du traité de 1668, et aurait personnellement été heureux de contribuer à un rapprochement entre les deux couronnes. Mais il était sans mandat : l’évêque de Passau, le futur cardinal Lamberg, le comte Jerger, statthalter de Vienne, firent aussi à Villars des allusions de même nature, mais ils n’étaient pas plus autorisés que Schwarzenberg. Villars n’en transmit pas moins à Louis XIV la substance de ces entretiens ; il profita de l’occasion pour exposer au roi ses propres idées et développer les avantages qu’il voyait à un traité direct avec l’empereur; il laissa trop voir le désir qu’il avait d’être chargé de faire des ouvertures en ce sens ; Louis XIV, qui avait d’autres vues et touchait alors au terme d’une négociation toute différente, arrêta court ces velléités d’initiative et ces conversations inutiles : « Il ne convient ni à ma dignité, écrivit-il le 19 septembre, ni à mes intérêts de faire des propositions sur cet article ; » peu après, revenant sur les confidences de Schwarzenberg et de Jerger, il les attribua au désir de provoquer des ouvertures et termina en disant : « Il y a apparence qu’ils ne vous en parleront plus. » Personne, en effet, ne parla plus à l’envoyé français de la question d’Espagne, ni de toute autre question politique. Villars se vit forcé, pour donner un peu d’intérêt à sa correspondance, de reprendre ses études de mœurs. Il s’appliqua à faire connaître les principaux personnages de la cour, leur caractère, le genre de vie qu’ils menaient, décrivant les fêtes, les chasses, les divertissemens à la mode, ne craignant pas d’emprunter à la chronique scandaleuse de la cour le sujet de digressions assez piquantes dans lesquelles le cadre et la nature de cette étude ne ne nous permettent pas de le suivre. Ces descriptions témoignent, sinon d’un grand talent d’écrivain, du moins de facultés d’observation assez développées et renferment des traits qui ne manquent pas d’une certaine finesse. En les contrôlant et les complétant à l’aide de renseignemens puisés aux sources authentiques, nous voudrions essayer de faire connaître les principaux personnages auxquels il avait affaire. Il y a pour nous un véritable intérêt à être renseigné sur les hommes qui vont avoir à prendre une des plus grosses résolutions qui se soient imposées à la décision des chefs d’une grande nation.

L’empereur Léopold, d’abord destiné à l’église, avait conservé, dans son caractère et dans ses manières, quelque chose de sa vocation primitive : il était doux, consciencieux et mystique. Bon et