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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/302

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l’empereur, le comte de Kaunitz a trouvé que toutes les affaires luy venoient naturellement. Le comte d’Harrach est paresseux, le chancelier de cour est un très pauvre homme, le chambellan de même, le président de guerre ne sort pas de sa sphère et d’ailleurs accablé de maladies. L’empereur hait Mansfeld et estime médiocrement le prince de Salm. Le cardinal Collonitz, d’un esprit très borné, gouverne même fort mal les affaires de Hongrie. Ainsy tout revient presqu’au comte de Kaunitz. La considération qu’il s’attire excite bien l’envie du comte d’Harrach, mais ne change pas son tempérament, qui n’est pas porté à la peine. »

Le chancelier et le chambellan, dont Villars parlait avec cette désinvolture, étaient l’un le comte Bucelini, homme médiocre en effet, et conduit par ses subordonnés ; l’autre, le comte Waldstein, que Villars jugeait trop sévèrement et qui avait plus de décision dans le caractère que la plupart de ses collègues du conseil. Quant au prince de Salm, c’était un homme vigoureux et énergique, qui plaisait à l’archiduc Joseph, dont il avait été ajo, et déplaisait peut-être à l’empereur pour ce motif. « Il est fort ennemi de la France, écrivait Villars ailleurs, et si jamais le roi des Romains est à la tête des armées, ou le prince de Salm n’aura pas de crédit, ou elles seront tournées contre nous. » Le président du conseil de guerre était le vieux Rudiger Stahrenberg, l’illustre défenseur de Vienne, qui se renfermait dans les devoirs de sa charge sans parvenir à les remplir intégralement : il mourut avant la fin de l’ambassade de Villars et fut remplacé par Mansfeld, dont le principal mérite était d’être profondément dévoué à l’empereur, qui ne l’aimait pas, s’il faut en croire notre auteur.

Quant aux deux hommes de guerre les plus en vue, c’étaient le prince Louis de Bade et le prince Eugène de Savoie. Villars avait avec l’un et l’autre de cordiales relations, que la guerre même, suivant les courtoises habitudes du siècle, ne devait pas détruire. Il les jugeait avec sa perspicacité ordinaire, Eugène, comme un grand capitaine, déjà célèbre à trente-cinq ans et destiné à de plus grands succès ; Louis de Bade, comme un général actif, vigilant, habile, mais sans grand vol, et avec une tendance fâcheuse à marchander ses services : « Il a toutes les qualités les plus propres pour commander dignement une armée et pour ôter l’envie de la lui confier. »

Pendant que Villars se livrait à l’étude platonique de ces caractères, les événemens avaient marché à Versailles, à Londres et à La Haye. Louis XIV, que nous avons laissé sous l’impression des nouvelles d’Espagne, hésitant à poursuivre les négociations commencées avec Guillaume, était vite revenu à ses premières résolutions, aux pensées de modération, de paix qui les avaient inspirées. Il avait résolument