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d’environ 800 mètres et l’on peut conjecturer qu’elles avaient, l’une dans l’autre, une superficie d’une soixantaine d’hectares. L’inscription de Véléia, qui est de la même époque, nous montre des propriétés plus petites; nous en comptons plus de trois cents sur le territoire d’un seul municipe et, cependant, toutes les terres ne figurent pas sur cette liste. Parmi ces trois cents fundi, il n’en est que neuf dont la valeur dépasse 100,000 sesterces et le plus grand en vaut 210,000. Une autre inscription du même temps, qui appartient à la petite ville des Bæbiani, dans l’Italie centrale, marque l’estimation de 52 domaines; le prix le plus haut est de 150,000 sesterces, le prix moyen de 40,000. On sait qu’il faut un peu moins de 4 sesterces pour faire 1 franc de notre monnaie, en valeur intrinsèque. Ces chiffres nous permettent d’apprécier approximativement l’étendue des domaines. En effet, Columelle évalue le revenu annuel d’une terre en prairie ou en forêts à 100 sesterces par arpent, et il ressort d’un texte de Varron qu’en terres labourables, l’arpent rapportait 150 sesterces. Multiplions ce revenu suivant le taux ordinaire de l’intérêt chez les Romains, lequel variait entre 6 et 8 pour 100, nous trouverons que la valeur moyenne d’un arpent était d’environ 2,000 sesterces. Les plus grandes propriétés de Véléia et des Bæbiani ne dépassaient donc pas 100 arpens, et la plupart d’entre elles étaient loin d’avoir cette étendue. Il en est qui ne sont estimées que 4,000 sesterces et semblent n’avoir que 2 arpens.

Mais on se tromperait beaucoup si l’on jugeait de toute l’Italie d’après ces deux petites villes, qui étaient des colonies de date assez récente et où la grande propriété n’avait pas eu le temps de se constituer. Ailleurs et presque partout il existait certainement des domaines d’une étendue considérable. Pline le Jeune, dans une de ses lettres, écrit qu’il est sur le point d’acheter un domaine et qu’il le paiera 3 millions de sesterces. D’après le calcul précédent, nous conjecturons que ce domaine pouvait avoir 2,000 arpens ou près de 500 hectares[1]. Ailleurs, le même écrivain dit qu’il a fait donation à sa ville natale d’une terre que cette même ville afferme 30,000 sesterces par an. Ce chiffre nous fait supposer une terre de 500 arpens pour le moins. Il ne dit pas quelle est l’étendue de son beau domaine qu’il appelle Tusci; mais suivez la description qu’il fait des bois giboyeux et des forêts que ce domaine renferme, de sa plaine et de ses collines, de ses champs de blé, de ses vignes et de ses prairies, et vous aurez certainement l’idée d’une très grande propriété.

  1. Peut-être devrions-nous compter un peu plus; car il résulte de la lettre de Pline qu’on se trouvait alors au milieu d’une crise agricole qui avait fait baisser le prix des terres de 30 pour 100.