ils n’ont aucun droit à faire payer en partie par la nation le prix du service qui leur est rendu.
Au nombre des causes qui ont produit le malaise financier dont la France souffre, il faut placer, à côté de l’abus des emprunts, les dégrèvemens prématurés et intempestifs et ce qu’on a aujourd’hui le droit d’appeler la folie des dépenses. Les réductions et les suppressions d’impôts, opérées en 1878, 1879 et 1880, dans le dessein manifeste de préparer les élections générales de 1881, auraient eu besoin, pour être justifiées, d’être compensées par des diminutions de dépense ou des accroissemens de recettes qui eussent assuré le maintien de l’équilibre budgétaire. Or, les trois exercices qui en ont supporté le poids ont présenté, comparaison faite de la totalité des recettes avec la totalité des dépenses, des déficits successifs de 336, de 212 et de 299 millions, soit au total de 847 millions; ce qui donne pour les trois années une moyenne de 280 millions. Le sacrifice de recettes imposé au trésor étant de 272 millions, le rapport de cause à effet apparaît ici clairement. D’ailleurs, M. Rouvier, président de la commission du budget, n’a-t-il pas reconnu expressément, dans le discours prononcé par lui le 11 juillet 1885, l’impossibilité de faire face à toutes les dépenses avec les ressources du budget ordinaire? Or, quelle condamnation plus forte pouvait-on prononcer contre ces dégrèvemens prématurés ? En effet, les emprunts auxquels on a eu recours pour suppléer à l’insuffisance du budget ordinaire ont abouti à substituer une charge permanente aux charges temporaires dont on prétendait soulager le pays; puis, l’aggravation continue de ces charges permanentes a conduit, comme cela était inévitable, à une aggravation des impôts subsistans, et le bénéfice qu’on avait fait luire aux yeux des contribuables s’est trouvé annulé. M. Léon Say n’a-t-il pas démontré que, sur les dix-sept articles du budget des recettes de 1885, quatorze avaient pour objet des extensions ou des aggravations d’impôts? Il demeure donc établi que les dégrèvemens dont on a fait, un instant, si grand bruit, n’ont été que des manœuvres électorales ; les emprunts de toute forme auxquels on a recouru ensuite, loin d’être imposés par la nécessité, n’ont été que des expédiens budgétaires pour suppléer aux recettes que le parlement avait témérairement sacrifiées.
Est-il nécessaire d’insister sur la fièvre de dépenses qui s’était emparée des pouvoirs publics ? L’immense extension qu’on avait projeté de donner à la construction des chemins de fer ne suffisait pas à satisfaire nos législateurs. Il fallait entreprendre à la fois sur toute l’étendue du territoire. Même après les larges amputations qu’il a fallu faire dans ce plan gigantesque, l’état, au 1er janvier 1885, d’après le rapport de M. Dauphin au sénat, avait encore à faire face, en dehors des chemins de fer, à 783 millions de travaux: