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de 1879, du renouvellement de 107 millions d’obligations sur 170 et du transfert au budget extraordinaire, opéré par sept départemens ministériels, de 128 millions de dépenses ordinaires de la même nature que celles qui avaient été, l’année précédente, l’objet d’une série d’irrégularités semblables. Malgré ces expédiens désespérés, le budget ordinaire de cet exercice s’est soldé par un déficit que M. Tirard a évalué provisoirement à 32 millions 1/2, mais qui, d’après les tableaux annexés au budget de 1886, correspond à une insuffisance réelle de ressources de 106,163,475 francs, sans compter la charge d’un budget extraordinaire de 559 millions, que les crédits extraordinaires firent monter à 663,624,875 francs.

Dès le début de cette année, la Banque, après de longues hésitations, avait dû porter à 5 pour 100 le taux de l’escompte ; l’emprunt d’un milliard en rentes amortissables, émis en 1881, avait échoué : on évaluait d’un tiers à la moitié la portion de l’emprunt qui était encore à la charge de la Banque et des principaux établissemens financiers. Pour empêcher les cours de s’affaisser tout à fait, le ministre des finances de M. Gambetta, M. Allain-Targé, n’avait pas reculé devant une mesure des plus irrégulières : une opération de bourse. Lorsque la restauration obtint des puissances alliées qu’elles devançassent de trois années la date fixée pour l’évacuation de notre territoire et qu’elles consentissent à accepter pour le complément de l’indemnité de guerre des rentes françaises calculées au cours de la Bourse de Paris, le ministre des finances crut pouvoir employer quelques millions en reports pour empêcher la rente de trop fléchir. Malgré le motif patriotique qui l’avait fait agir, sa conduite fut, de la part de tous les financiers de la chambre des députés, et notamment de MM. Laffitte et Casimir Perier, l’objet des plus sévères critiques, et il était passé en règle, depuis lors, que le ministre des finances devait s’abstenir de toute intervention dans le marché des fonds publics. C’était cette règle que M. Allain-Targé n’avait pas hésité à violer en employant à la liquidation du 5 janvier 1882 jusqu’à 200 millions des fonds du trésor en reports sur la rente amortissable. Le même ministre, en comprenant dans ses projets tout à la fois la conversion du 5 pour 100 et le rachat des chemins de fer, avait jeté l’alarme parmi les rentiers et dans le monde des affaires ; enfin, il comptait pourvoir au budget extraordinaire de 1883 au moyen d’un nouvel emprunt de 600 millions, bien que l’emprunt précédent ne fût pas encore classé. La chute de M. Gambetta ramena au ministère des finances M. Léon Say, qui avait pris pour programme : ni conversion, ni emprunt, ni impôts nouveaux, mais à qui ce programme créa d’inextricables difficultés dans la préparation du budget de 1883. L’exposé des motifs révéla au public que la dette flottante dépassait 3 milliards et confessa que