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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/412

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le sénat, d’être pour rien dans le résultat déplorable auquel la chambre était arrivée, et avec une inoubliable candeur il se fit un mérite de n’avoir cherché l’établissement d’un équilibre apparent ni en grossissant les évaluations de recettes ni en dissimulant une partie des dépenses, comme s’il lui eût été possible de faire l’un ou l’autre sans mentir à sa conscience et sans tromper sciemment le parlement et le pays ! Le sénat ne voulut point s’associer à l’œuvre de la chambre, et, par le remaniement de quelques articles, il ramena les recettes du budget ordinaire à 3,044,655,092 francs et les dépenses à 3,044,366,800 francs, ce qui présentait un excédent de recettes apparent de 289,292 francs. Par suite de moins-values considérables dans le produit des impôts, ce budget a donné un déficit, estimé d’abord à 85 millions, mais que diverses annulations de crédits ont réduit à 62 millions 1/2. Le budget extraordinaire avait été voté à la somme de 529,541,000 francs ; mais les crédits extraordinaires l’ont fait monter, déduction faite des annulations, à 614,965,704 francs. Si l’on pouvait entrer dans le détail des faits, il serait aisé de prouver qu’en 1883 les recettes effectives encaissées par le trésor ont été inférieures d’au moins 750 millions à la dépense réelle.

Le vote du budget n’avait pas mis fin aux embarras du ministre des finances, et l’exercice 1883 était à peine commencé, que les besoins du trésor devenaient extrêmes. M. Ribot les avait fait pressentir, dans son rapport général sur le budget. « Le trésor, avait-il dit, doit pourvoir jusqu’au 31 décembre 1883 aux dépenses résultant de l’exécution des travaux publics et du fonctionnement des caisses spéciales. Ces dépenses ne peuvent être évaluées au-dessous de 1,350 millions. Comment le trésor y fera-t-il face sans recourir à un emprunt public? Il n’y réussira qu’avec d’assez grandes difficultés, et à la condition que le parlement n’ajoutera pas à ses charges en créant des dépenses nouvelles sans avoir au préalable constitué les ressources nécessaires. » Puis, après avoir passé en revue, avec une remarquable ingénuité, les expédiens plus ou moins licites auxquels on pouvait avoir recours, et fait remarquer que, vers le milieu de 1883, les ressources que le trésor puise dans l’excédent des recettes du dernier budget voté sur les ordonnancemens relatifs à ce même budget, descendraient au fur et à mesure des ordonnancemens et des paiemens arriérés, le rapporteur concluait « qu’on ne saurait sans imprévoyance rien ajouter aux charges actuelles et futures du trésor. » Or, non-seulement l’ouverture de crédits supplémentaires était venue ajouter 200 millions aux charges du trésor, mais la décroissance continue des recettes, qui tombèrent de 79 millions au-dessous des évaluations, avait réduit les disponibilités sur lesquelles on avait compté. Ce ne fut donc pas vers le milieu de