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« M. de Fonbrune, de son propre mouvement et sans aucune provocation, a dit à M. de Thauvenay connaître par ses rapports avec vous votre disposition sincère de revenir au roi et de le servir avec zèle. Il a ajouté que vous étiez appelé par les Belges insurgés pour les commander et qu’on pouvait compter sur vous. M. de Thauvenay en a rendu compte, et le roi lui a ordonné de vous faire savoir par le même M. de Fonbrune que Sa Majesté agréerait votre soumission dès que vous la lui auriez faite directement. Voilà, monsieur, le point auquel nous sommes demeurés jusqu’à l’arrivée de la lettre que je viens de recevoir de vous. Je n’ai point hésité à la mettre sous les yeux du roi, qui accepte votre hommage, vos promesses. Il vous reste à en remercier Sa Majesté en les lui renouvelant directement par une lettre.

« S’il s’agissait d’un concert entre le général Pichegru et vous, il faudrait en avoir l’agrément du ministère britannique, parce que c’est lui qui fait les frais des opérations de ce général. Au reste, s’il agit en Suisse, vous serez bien peu à portée de vous concerter ensemble, du moins jusqu’à ce que vos plans, qui ne sont pas connus, aient acquis un certain développement.

« Le roi sait gré à M. de Fonbrune d’avoir servi à la manifestation de vos sentimens ; mais vous n’avez pas besoin d’intermédiaire et notre connaissance de trente-cinq ans autorise de reste un commerce direct entre nous. Je ne dissimule pas ma véritable satisfaction de voir un homme tel que vous embrasser la cause de son légitime souverain et se dévouer à son service. »

Le langage de Saint-Priest comblait les vœux de Dumouriez. Certain maintenant que ses offres étaient agréées en principe, il n’hésita plus à s’adresser directement au roi. Nous ne possédons ni sa lettre, ni la réponse de Louis XVIII. Mais il est aisé, par ce qui précède, de deviner dans quel esprit elles étaient conçues l’une et l’autre. La lettre royale fut expédiée à Thauvenay avec l’ordre de la faire tenir à Dumouriez. Thauvenay désirait se mettre en relation avec lui. Par l’intermédiaire de Fonbrune, il lui demanda un rendez-vous quelque part où le secret de leur rencontre pût être gardé. Dumouriez désigna la petite ville d’Elmshorn, sur les bords de l’Elbe, à une égale distance de leurs résidences respectives. C’est là, dans une auberge, qu’après divers contretemps ils se rencontrèrent le 17 août. Nous trouvons les détails de leur entrevue dans la lettre que Thauvenay envoya à Mitau le lendemain. Chacun d’eux arriva de son côté ; Thauvenay seul, Dumouriez accompagné du chevalier de Gasp, un de ses parens, émigré français au service du Danemark. Ils se firent servir à déjeuner dans une chambre et restèrent ensemble durant trois heures.

Dumouriez lut et relut « avec attendrissement » la lettre du roi.