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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/434

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lui écrire. C’est à la sagesse de Votre Majesté Impériale à juger si la proposition qu’il fait d’aller se mettre à ses pieds est convenable et si son accès auprès de la cour de Danemark, ses liaisons avec le prince Charles de Hesse, ses connaissances militaires et politiques en général, celles qu’il possède en particulier sur le théâtre de la guerre actuelle et les partisans que sa réputation est en état de lui faire peuvent le rendre utile au succès de la cause que Votre Majesté Impériale défend avec tant de grandeur d’âme. Mais, je ne puis me refuser à lui rendre le témoignage qu’il invoque. Je crois son retour à ses devoirs d’autant plus sincère qu’il a été volontaire et nullement provoqué. J’en ai consigné la preuve dans la lettre qu’il cite avec beaucoup trop d’éloges ; je l’ai mandé dans le temps à Votre Majesté Impériale et je le lui répète bien volontiers aujourd’hui. »

Malheureusement, ces lettres arrivèrent à Saint-Pétersbourg en même temps que de très graves nouvelles du théâtre de la guerre. Dans la journée du 19 septembre, le général Brune, chargé de défendre la Hollande contre les 40,000 Anglo-Russes que commandait le duc d’York, les avait chassés de leur position d’Alkmaer, en leur faisant subir de terribles pertes, bloqués dans les dunes et si rigoureusement enserrés de toutes parts qu’il ne leur restait d’autre issue qu’une capitulation[1]. Six jours plus tard, sur un autre point de l’Europe, à Zurich, Masséna mettait en déroute les armées de Russie et d’Autriche, placées sous les ordres de Korsakof. Puis, tirant admirablement parti de ces avantages, il s’était porté à la rencontre de Souvarof, qui arrivait d’Italie, et lui avait infligé une sanglante défaite, vengeant ainsi les récens échecs de nos armes à la Trebbia et à Novi. Douloureusement surpris par ces revers inattendus, Paul Ier , qui croyait Souvarof invincible, les avait attribués à la mauvaise foi de ses alliés autrichiens. Sous l’empire de sa colère, il s’était brusquement décidé à rappeler ses troupes, à déserter la coalition.

Ses ordres venaient de partir quand il reçut la lettre de Dumouriez et celle du roi. Il ne pouvait être en ce moment question d’y répondre. Loin d’accorder sa protection aux généraux du roi de France, il ne cherchait qu’à se désintéresser des hostilités engagées contre la France, a j’ai fait la guerre pour l’honneur et pour la tonne cause, écrivait-il le 21 octobre au prince de Condé. Mais, je cesse dès le moment que je m’aperçois que mes efforts, au lieu de rétablir le repos et la paix, produiront de nouveaux malheurs en favorisant les desseins d’un allié ambitieux et insatiable. Mais, pour abandonner à son mauvais sort la maison d’Autriche,

  1. Elle eut lieu le 18 octobre.