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des « braves mineurs, » qui s’indigne de la révolte du chef du département contre son député et qui le menace des foudres ministérielles. Le gouvernement est mis en demeure d’aviser et même de se prêter à l’expérience de la mine aux mineurs ! C’est un spécimen de plus et le plus récent des ingérences parlementaires. Ainsi voilà un préfet qui est menacé, qui sera peut-être déplacé, comme l’a été il y a quelque temps un autre préfet pour n’avoir point voulu se mettre servilement aux ordres d’un député ! Voilà comment se traitent les affaires du pays !

Qu’en résulte-t-il ? C’est que toutes les conditions de la vie publique sont interverties, toutes les responsabilités sont déplacées. Il n’y a plus de gouvernement, il n’y a plus d’administration, il n’y a plus que des affaires électorales, des questions de parti, et des députés devant qui tout doit plier. Ce qu’il y a de curieux, c’est que ceux qui font ainsi de la politique parlent toujours de réformes et prétendent être par privilège les hommes du progrès, de la marche incessante en avant. Ils sont les plus rétrogrades, les plus réactionnaires des politiques. Ils ne vont pas en avant vers un avenir qui, sans être aussi beau peut-être que le prédisent les prophètes optimistes, peut avoir encore son originalité et ses grandeurs : ils retournent en arrière. Ils se font les plagiaires de tous les régimes qui les ont précédés, qu’ils ont cent fois diffamés, qu’ils diffament encore en les imitant. Ils n’empruntent pas, bien entendu, à ces régimes, ce qu’ils ont eu de salutaire, de fécond et d’honorable ; ils leur demandent leurs tactiques les plus décriées, leurs procédés les plus abusifs en y ajoutant leur propre médiocrité. Ils vont chercher dans l’arsenal des vieux gouvernemens tout ce qui peut servir leurs passions et leurs calculs sans reculer devant les mesures d’exception, les violences discrétionnaires et les subtilités de la raison d’état. On peut fouiller dans les archives du passé de la restauration, de la monarchie de juillet, même de l’empire : certainement jamais, sous aucun régime, la pression officielle dans les élections, l’esprit d’exclusion, n’ont fleuri comme dans ces derniers temps. Le ^second empire, dans ses meilleurs jours, n’a vraiment jamais poussé [plus loin le favoritisme de parti, l’art de tout subordonner à un intéjTêtde règne. La justice elle-même, la justice épurée, se met de la partie. On a vu récemment une cour absoudre un maire d’un délit constaté de la violation d’une loi, parce qu’il avait eu une bonne intention, parce qu’il avait agi dans l’intérêt du gouvernement. Cela vaut bien le maire de l’empire qui ne voulait pas que dans sa commune on donnât la chasse aux pigeons des amis du gouvernement. L’arbitraire peut changer de figure, il ne change pas son essence. Que n’a-t-on pas dit autrefois des abus de l’omnipotence administrative, des dangers de l’intervention des préfets dans l’instruction publique ? Les républicains ont commencé par avoir quelques scrupules, par faire des