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confédération fédérale n’admet encore que le référendum facultatif. L’article 89 porte : « Les lois fédérales sont soumises à l’adoption ou au rejet du peuple, si la demande en est faite par 30,000 citoyens actifs, ou par huit cantons. Il en est de même des arrêtés fédéraux qui sont d’une portée générale et qui n’ont pas un caractère d’urgence. » Depuis que le référendum a été introduit dans la constitution fédérale, en 1874, il y a été fait appel presque chaque année.

Pour rendre effective l’intervention du peuple dans le gouvernement, certaines constitutions cantonales ont admis encore d’autres mesures : le veto, l’initiative et la demande de démission. Le veto est le droit accordé à un certain nombre d’électeurs de s’opposer à la mise en vigueur d’une loi votée par l’assemblée législative jusqu’à ce qu’elle soit soumise au suffrage populaire. L’initiative est le droit reconnu à un certain nombre d’électeurs de soumettre un projet de loi au pouvoir législatif, qui est tenu de le mettre en délibération pour le rejeter ou le ratifier. La demande de démission est le droit qu’ont un certain nombre d’électeurs, d’exiger que le peuple décide, oui ou non, s’il veut la démission de la chambre, laquelle sera alors tenue de se soumettre à une réélection. On sait que, dans certains cantons, tous les citoyens majeurs se réunissent une ou deux fois par an pour élire les fonctionnaires et pour voter les lois directement, comme le faisait le peuple athénien. Ces assemblées populaires, exerçant la souveraineté ainsi que le rêvait Rousseau, s’appellent Landsgemeinde ou « communes nationales. »

Voyons maintenant comment la Suisse, ce pays qui précède tous les autres en fait d’expériences démocratiques[1], est arrivé à adopter le nouveau système de gouvernement que nous venons de faire connaître. Le gouvernement direct, où le peuple réuni délibère, règle les affaires publiques et choisit ses magistrats, est le régime politique primitif et naturel. Il reste en vigueur à l’origine, chez toutes les populations, tant que l’inégalité ou la conquête n’ont pas donné naissance au despotisme. On le rencontre dans toutes les républiques antiques et chez les Germains, où, comme le dit Tacite, les chefs discutent les petites affaires et le peuple

  1. L’activité politique en Suisse en fait de révisions constitutionnelles est vraiment extraordinaire. Nous voyons dans les tableaux publiés par M. Chatelanat dans le Manuel statistique de la Suisse, que de 1830 à 1879 il y a eu 115 révisions de constitutions cantonales et 3 révisions de la constitution fédérale. De 1830 à 1849, 27 révisions ont pour but de transformer les républiques aristocratiques en républiques démocratiques ; de 1846 à 1862, 22 révisions achèvent d’établir le régime représentatif, et, de 1862 à 1880, 66 révisions ont lieu pour passer au gouvernement populaire direct, plébiscitaire.