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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/653

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les craintes de ses adversaires. Il s’est montré souvent conservateur et presque toujours très hostile à la centralisation, au pouvoir fort, aux grosses dépenses, en un mot à ce que l’on appelle la politique radicale ou jacobine. Chose en apparence inexplicable ! les mêmes électeurs qui persistent à renommer des radicaux rejettent, par le plébiscite, tout ce qu’ils votent. C’est que les élections ordinaires se font sous l’influence de la popularité et des brigues des candidats et par obéissance à un mot d’ordre des partis, tandis qu’au plébiscite chaque mesure est jugée en elle-même et dans le rapport qu’elle a avec le bien général. Aussi, par une volte-face très curieuse, les conservateurs commencent à voir dans le référendum un moyen de salut, et les démocrates, qui l’ont introduit, une institution contre-révolutionnaire, comme l’avait nommée Louis Blanc.

Voici quelques exemples de plébiscite fédéral, où l’on voit le peuple suisse tout entier, votant par oui ou par non, décider directement des questions souvent de minime importance. Une loi votée par l’assemblée nationale organisait, en vertu de l’article 27 de la constitution, un bureau fédéral de l’instruction publique avec un secrétaire et quelques employés, ce qui exigeait une dépense annuelle d’environ 20,000 francs. Ce bureau devait se borner à réunir et à publier des informations et des statistiques, comme le fait aux États-Unis le Board of Education. Mais les cantons catholiques et les conservateurs des cantons protestans virent dans cette mesure un premier pas vers la centralisation de l’instruction, que rêvent, dit-on, les radicaux. Le référendum fut réclamé ; et, le 26 novembre 1882, 318,139 non, contre 172,010 oui rejetèrent la loi fédérale. Autre exemple : un arrêté fédéral alloue 10,000 francs à la légation suisse à Washington pour frais de secrétariat ; le plébiscite le rejette, le 10 mai 1884, par 219,728 non contre 137,824 oui. Trois autres lois furent repoussées le même jour.

J’ai sous les yeux un tableau, publié par M. Niederer, de tous les plébiscites qui ont eu lieu dans le canton de Zurich depuis la révision de la constitution en 1869 jusqu’en 1882 : dans 28 référendums, le peuple s’est prononcé sur 52 lois et décrets, dont 11 émanés du droit d’initiative. Contrairement à ce qui se passe pour les lois fédérales, que le référendum réclamé repousse très souvent, je trouve ici 66 confirmations et seulement 31 rejets. Chose remarquable, les questions les plus difficiles et les plus compliquées ont été soumises au vote populaire ; ainsi la révision de certains livres du code de procédure civile et de procédure criminelle, des lois sur les faillites, sur les expropriations, sur l’organisation de l’enseignement, sur le monopole des banques d’émission et jusqu’à un règlement sur la destruction des hannetons. Les votes du peuple zurichois ont été la